Les Danois ne sont pas nos ennemis
Publié le 7 février 2006 Lecture : 2 minutes.
J’ai été choqué, en tant que musulman, par les caricatures représentant Mohammed sous les traits d’un terroriste. En tant que journaliste, j’ai été encore plus choqué par l’invocation de la liberté d’expression pour justifier l’insulte faite au Prophète d’une religion comptant un milliard et demi d’adeptes.
La liberté est l’un des fondements de la démocratie. Elle doit être défendue partout où elle est menacée. Mais là où elle est respectée, doit-elle être totale, illimitée, absolue ? Non, bien sûr, car la liberté n’a de sens que dans les limites du droit, du respect d’autrui ou de la simple décence. Nos confrères danois – et européens qui leur ont emboîté le pas – semblent avoir perdu de vue cette exigence morale sans laquelle la liberté devient le plus court chemin vers l’incompréhension et les conflits.
En tant que musulman, je voudrais aussi dire un mot sur la réaction de mes coreligionnaires. Légitime et sans doute nécessaire, elle m’a semblé, néanmoins, démesurée : manifestations, drapeaux et portraits de responsables danois brûlés, fermeture d’une ambassade à Copenhague, boycottage des produits danois, menaces contre des ressortissants scandinaves opérant dans les territoires palestiniens, pour la plupart au sein d’organisations humanitaires… Pourvu qu’on n’en vienne pas à faire couler le sang d’un innocent !
Le Danemark n’a jamais été l’ennemi des Arabes et des musulmans. Ce petit pays scandinave sans passé colonial a souvent été, dans les instances internationales, le défenseur des causes justes, dont celle des Palestiniens. Il a souvent offert l’asile aux musulmans victimes de la répression dans leurs pays. Quant aux 200 000 musulmans qui y vivent aujourd’hui, ils y sont mieux traités que leurs coreligionnaires dans toute l’Europe. Et s’ils continuent d’y vivre, c’est sans doute parce qu’ils s’y sentent… libres et respectés.
Maintenant que des excuses ont été présentées, de grâce, ne faisons pas des Danois – et des Scandinaves en général – des ennemis. Car des ennemis, nous en avons déjà assez. À commencer par nous-mêmes.
