Jean-Tony Oulaï : plus qu’un témoin

Publié le 3 février 2006 Lecture : 3 minutes.

« Il sait des choses, il sait ce qu’est devenu Guy-André. » Pour Osange Silou-Kieffer, l’Ivoirien Jean-Tony Oulaï est une prise de choix. Cet ancien agent des services ivoiriens pourrait avoir participé à l’enlèvement de son mari, le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, le 16 avril 2004, à Abidjan. Le 11 janvier, Jean-Tony Oulaï a été arrêté près de Paris. Deux jours plus tard, il a été mis en examen pour « enlèvement et séquestration » et incarcéré à la prison de la Santé à Paris.
Il faut dire qu’il n’est pas facile de démêler le vrai du faux dans le passé de cet Ivoirien de 40 ans qui inonde les autorités et la presse ivoiriennes de lettres ouvertes. Fils d’un officier légionnaire de l’armée coloniale française, Jean-Tony Oulaï affirme être titulaire d’un brevet de pilotage acquis aux États-Unis. Le 14 septembre 2001, trois jours après les attentats du World Trade Center, il est arrêté dans un aéroport américain. Avait-il sur lui des manuels de pilotage ? Il n’est libéré qu’en février 2002. Aucune charge n’est retenue contre lui. Il rentre en Côte d’Ivoire et, selon ses dires, devient, en mai 2003, le chef du département des opérations clandestines à Abidjan. Seize mois plus tard, c’est la disgrâce. Puis la peur. Le 9 novembre 2005, il échappe de peu à la liquidation physique. Du moins le pense-t-il. Il s’enfuit en France. Il écrit. Sans cesse. À Laurent Gbagbo. À Charles Konan Banny. À la presse. Il accuse Bertin Kadet, le très puissant conseiller du président ivoirien pour les affaires de sécurité, d’être à l’origine de ses malheurs. Le conseiller réplique : « Je ne connais pas cet individu. Cet homme-là est visiblement un faussaire qui a voulu intégrer notre armée en 2004 » (L’Intelligent d’Abidjan, 13 décembre 2005).
Mythomane ou vrai barbouze ? En tout cas, le 12 mai 2004, à peine un mois après l’enlèvement de Guy-André Kieffer, Jean-Tony Oulaï est gravement mis en cause par deux militaires ivoiriens, Germain Bahagbe Daye et Sylvain Kouya Kane. Ceux-ci l’accusent d’avoir dirigé le commando qui a enlevé et tué le journaliste. Selon leurs déclarations, Guy-André Kieffer serait mort au domicile de Jean-Tony Oulaï, dans le quartier Riviera d’Abidjan, après plus de vingt-quatre heures de séquestration et de sévices. Les deux militaires avouent à la police ivoirienne qu’ils ont participé à l’opération. Ils sont arrêtés. Puis ils se rétractent. Arrivent les émeutes de novembre 2004 et l’ouverture des portes de la Maca, la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan. Aujourd’hui, les deux hommes sont dans la nature.
Face à ces accusations, Jean-Tony Oulaï nie farouchement. « Si j’étais coupable, pourquoi me serais-je jeté dans la gueule du loup ? » dit-il en substance. Le problème, c’est qu’il ne dit pas toujours la vérité. Le 11 janvier dernier, lors de son premier interrogatoire à Paris, il a d’abord affirmé qu’il n’était pas à Abidjan le jour de l’enlèvement de Guy-André Kieffer. Puis, quand les enquêteurs français lui ont montré les relevés de son téléphone portable à la date du 16 avril 2004, il a changé d’avis. « C’est plus qu’un témoin, mais on n’est pas sûr qu’il soit impliqué », dit une source proche de l’enquête. Ce mois-ci, le juge d’instruction français Patrick Ramaël doit se rendre une cinquième fois à Abidjan. Jusqu’à présent, il avait focalisé son enquête sur l’ancien ministre de l’Économie et des finances, Paul Antoine Bohoun Bouabré, et son entourage. Confrontations, recoupements Après Michel Legré, l’homme qui avait servi d’appât le jour du rapt, Jean-Tony Oulaï pourrait bien devenir le nouveau « moteur de recherches » du juge Ramaël.

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