Ellen fait le ménage

Dans sa croisade anticorruption, la présidente n’épargne rien ni personne. Mais elle reporte le cas Taylor à plus tard.

Publié le 6 février 2006 Lecture : 2 minutes.

Elle avait prévenu. « Sous mon administration, la corruption sera l’ennemi public numéro un. Nous l’affronterons et le combattrons. » Quelques jours après son investiture, Ellen Johnson-Sirleaf, 67 ans, n’a pas usurpé sa réputation de femme à poigne. Pour régler les comptes de son pays avec le passé, elle vient de commander un audit financier sur la gestion du gouvernement de transition. Et ce n’est pas tout.
« Mummy », comme la surnomment ses compatriotes, a assorti son audit des services publics d’une interdiction de sortie du territoire à tous les membres de l’ancien cabinet ainsi qu’à ceux du Parlement, dont un bon nombre sont accusés d’avoir – au pire – détourné les deniers publics, et – au mieux – fait preuve d’inaction. Sur sa lancée, Ellen Johnson-Sirleaf a licencié, le 2 février, les 300 fonctionnaires du ministère des Finances. Motif : manque de compétences.
Johnson-Sirleaf fait d’une pierre deux coups : elle tient ses promesses électorales et envoie un signal fort aux bailleurs de fonds, encore hésitants à s’investir financièrement. La nouvelle présidente compte en effet se plier au Plan de mise sous tutelle des ressources du Liberia (Gemap), imposé par la communauté comme préalable à tout engagement. (J.A.I. n° 2350). Le Gemap prévoit de nommer des experts internationaux pour une période de trois ans à la tête des secteurs importants de l’économie.
Pour autant, la dame de fer du Liberia n’a pas encore peaufiné son équipe. Sur les 22 membres « compétents » que doit comporter son gouvernement, seule une dizaine de noms ont été rendus publics plus de deux semaines après sa prestation de serment. Un retard qui serait dû aux enquêtes effectuées sur les candidats pressentis. Si elle a attribué les portefeuilles très sensibles à des valeurs sûres (la Défense à Brownie Samukai, ancien chef de police devenu employé des Nations unies, et l’Économie à Antoinette Sayeh, une ancienne collègue de la Banque mondiale), elle n’a pas manqué de remercier ses fidèles et ses soutiens de dernière minute. L’opposant Joseph Korto, d’Action Liberia (LAP), qui l’a opportunément rejointe au second tour, récupère le ministère de l’Éducation ; Morris Dukuly, son ancien directeur de campagne, est promu ministre d’État tandis que Willie Knuckles, autre affidé, reçoit les Travaux publics. Elle s’est pour l’instant gardée de piocher de l’autre côté de la barrière. Fera-t-elle ainsi une place à George Weah, comme elle s’y était engagée ? L’ex-star du football, défait au second tour, est à la tête du Congrès pour le changement démocratique (CDC), le premier parti politique au Parlement.
Le poste de ministre des Sports qu’elle lui a proposé lui suffira-t-il ?
Reste surtout le dossier Charles Taylor sur lequel elle était plus qu’attendue par la communauté internationale. Ellen Johnson-Sirleaf a botté en touche, déclarant que l’extradition de l’ex-dictateur n’était pas « une priorité nationale. » Mummy ne veut pas s’encombrer d’une guérilla juridique interminable qui risque d’hypothéquer son action. Tant pèse encore l’ombre du président déchu sur l’échiquier politique libérien.

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