Centrafrique : au Ledger Plaza, la fin d’un improbable feuilleton ?

Fin décembre, une délégation libyenne s’est vue empêcher d’accéder à l’hôtel le plus en vue de Bangui. Un ultime rebondissement dans le bras de fer qui a longtemps opposé la Libye et la Centrafrique autour de la gestion de cet établissement.

Ledger Plaza Hotel à Bangui © Ledger Plaza Hotel

Ledger Plaza Hotel à Bangui © Ledger Plaza Hotel

Publié le 4 janvier 2022 Lecture : 3 minutes.

Drôle de scène que celle qui s’est déroulée devant le Ledger Plaza de Bangui, le 29 décembre. Ce jour-là, des employés mécontents interdisent l’accès du palace à des représentants des autorités libyennes. La délégation, dirigée par le vice-président du Conseil présidentiel libyen, Abdallah Hussein al-Lafi, est arrivée le matin même dans la capitale centrafricaine.

Celui-ci a rapidement pu rencontrer le président Faustin-Archange Touadéra et devait descendre au Ledger Plaza. Mais l’établissement, qui appartient au groupe Laico (Libyan African Investment Company), est depuis plusieurs années au cœur d’un bras de fer entre Tripoli et Bangui. Les Libyens ont même eu toutes les peines du monde à en reprendre le contrôle.

la suite après cette publicité

Écarté contre son gré

Financé par Mouammar Khadafi, il a été inauguré en 2012, au lendemain de la chute du Guide. En 2013, lorsque la Séléka renverse François Bozizé, elle y prend ses quartiers. L’hôtel devient un lieu de trafic et de pouvoir, et le restera après le départ des rebelles. C’est en 2014 que le Libyen Ziad al-Zarzour en prend la tête. Il tisse alors son réseau et gagne chaque jour en influence, au point que Tripoli finit par en prendre ombrage. Il faudra toutefois attendre septembre 2021 pour que le PDG soit écarté – contre son gré – au profit d’un Tunisien, Chokri Ben Abdallah, directeur administratif et financier de l’hôtel de 2016 à 2018.

Les employés de l’hôtel craignaient que l’ancien directeur, Ziad al-Zarzour, ne revienne aux affaires

Quel rapport avec le sit-in du 29 décembre ? Une source interne raconte que les employés de l’hôtel craignaient que l’ancien directeur ne revienne aux affaires. D’autant que Chokri Ben Abdallah, qui est réputé très connecté et bénéficiant de l’appui des autorités centrafricaines, est arrivé à Bangui par le même vol que la délégation libyenne. Des craintes qui sont surtout le reflet des tensions entre la nouvelle équipe dirigeante et l’ancienne.

Chokri Ben Abdallah est en effet très critique à l’égard de son prédécesseur, dont il conteste la gestion. « Il y a eu des détournements et des malversations financières à coup de milliards de francs CFA », assure-t-il à Jeune Afrique. Le groupe Laico reprochait de son côté à Ziad al-Zarzour d’avoir profité de la crise libyenne pour s’émanciper de la tutelle de la maison-mère. Contacté, celui-ci n’a pas souhaité répondre aux accusations portées à son encontre, promettant une « sortie médiatique » dans les prochains jours pour « rétablir les faits ».

Équilibrer les finances

L’installation de son successeur à la tête du Ledger avait d’ailleurs été compliquée, le sortant ayant activé ses réseaux – notamment banguissois – pour tenter de sauver sa tête. Mais Tripoli a pesé de tout son poids pour imposer Chokri Ben Abdallah. Et pour marquer la fin de cet improbable feuilleton, les autorités libyennes ont tenu à organiser, le 15 septembre dernier, une cérémonie d’installation du nouveau DG dans ses fonctions, en présence de la ministre centrafricaine du Tourisme, Maria Lionelle Saraiva-Yanzere.

la suite après cette publicité

« La priorité, pour ces prochains mois, sera d’équilibrer les finances tout en essayant de faire venir le plus de clients possible et de récupérer les collaborations perdues, explique aujourd’hui Chokri Ben Abdallah. Elle est aussi de rassurer les membres du personnel, de les mettre en confiance pour leur permettre de travailler librement et d’être efficace. » Depuis la mi-septembre, l’hôtelier tente de « convaincre [ses] partenaires de revenir dans le jeu ». Il a aussi plusieurs fois rencontré les dirigeants de la Commercial Bank Centrafrique (CBCA), à qui l’hôtel doit 500 milliards de F CFA.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Libye : quand les Amazighs profitent du vide institutionnel

Contenus partenaires