Aidons le Hamas à changer

Dans une tribune publiée le 28 janvier par Asharq Al-Awsat, le quotidien arabe paraissant à Londres, le Premier ministre turc l’affirme : à l’épreuve du pouvoir, le mouvement islamiste sera inévitablement amené à modifier ses objectifs et ses méthodes. Re

Publié le 6 février 2006 Lecture : 3 minutes.

Je suis assailli de questions sur la victoire récente du Hamas aux élections législatives palestiniennes et sur le rôle que je pourrais être amené à jouer, en tant que Premier ministre issu d’un parti islamiste [le Parti de la justice et du développement, AKP], dans un éventuel rapprochement entre le Hamas et Israël.
À ces questions, je réponds souvent que le Hamas a remporté les élections de façon incontestable et que nous devrions respecter la décision du peuple palestinien, même si elle ne nous plaît pas. Ceux qui affichent d’emblée leur hostilité ne font que nuire au processus démocratique en cours.
Pour qu’une relation entre le Hamas et Israël puisse être envisagée, il faudrait que les deux parties abandonnent leurs attitudes et pratiques passées et permettent au processus démocratique de suivre son cours. Le Hamas et Israël doivent, par conséquent, accepter l’existence de deux États, palestinien et israélien, l’un à côté de l’autre. Le Hamas doit comprendre que la non-reconnaissance d’Israël pourrait nuire, à l’avenir, à ses relations internationales. Et Israël ne doit pas commettre l’erreur de rejeter les résultats des élections palestiniennes.
Je ne nie pas que la Turquie, du fait des bonnes relations qu’elle entretient aussi bien avec Israël qu’avec les Palestiniens, pourrait jouer un rôle de médiateur. Je ne divulgue pas non plus un secret en ajoutant que j’ai déjà évoqué cette possibilité avec le président pakistanais Pervez Musharraf. Je suis également convaincu que l’Organisation de la conférence islamique [dont le secrétaire général est, depuis 2004, le Turc Ekmeleddin Ihsanoglu] pourrait jouer un rôle important en ce sens.
Concernant les relations interpalestiniennes, je pense que l’offre d’un gouvernement de coalition faite par le Hamas à son principal rival, le Fatah, est un pas important. Il convient de rappeler que ce geste, qui dénote un certain pragmatisme, le Hamas aurait pu ne pas le faire puisqu’il dispose d’une confortable majorité dans le nouveau Parlement. Je voudrais insister ici sur cette idée de pragmatisme, car la démocratie n’est-elle pas en fin de compte un ordre fondé sur les principes de réalité et de tolérance ?
C’est ce que j’ai voulu dire en affirmant que le Hamas devra renoncer à ses attitudes et pratiques passées. Ses dirigeants vont maintenant assumer les responsabilités gouvernementales, et il est clair qu’un État se doit de dire qui est autorisé à porter des armes et qui ne l’est pas. Plus franchement, je dirais que seules les forces de l’ordre doivent être armées. Ceux qui seront appelés à discuter avec les dirigeants du Hamas devraient insister sur ce point fondamental.
Dans le processus démocratique en cours, dont on imagine toutes les conséquences, nous verrons en revanche que le Hamas va être amené à se recentrer. Parce que l’extrémisme n’a jamais bénéficié à personne et encore moins à une organisation ou à un parti politique. Quant à ceux qui, anticipant les résultats des élections, ont annoncé hâtivement des positions hostiles au mouvement islamiste palestinien, je voudrais leur dire que le rejet de toute discussion avec celui-ci est une erreur pour la simple raison qu’un gouvernement issu des rangs du Hamas sera forcément différent de l’organisation en tant que telle. Car il y a eu entre-temps des élections législatives, dont les résultats ne manqueront pas de transformer la vision et les méthodes du Hamas, ainsi que la manière avec laquelle le monde doit aujourd’hui traiter avec lui. Je suis de ceux qui pensent que le Hamas d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le Hamas d’hier, parce que la réalité impose désormais à ce mouvement des responsabilités nouvelles. Elle impose aussi à toutes les autres parties concernées de patienter pour voir ce que ce dernier fera. C’est une évidence que la logique politique nous impose.

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