Stéphane Bak : « Les récits africains sont rarement racontés en France, il faut les défendre »
Dans « Twist à Bamako », du Français Robert Guédiguian, l’acteur d’origine congolaise campe avec vigueur un personnage de révolutionnaire socialiste dans un Mali fraîchement indépendant.
Débit mitraillette, sens de la répartie et de la formule… À 25 ans seulement, Stéphane Bak est rôdé à l’exercice. Assis à la terrasse d’un café parisien, le comédien a gardé la fraîcheur et l’assurance précoce du gamin qui défendait du haut de ses 14 ans ses meilleures blagues sur les planches du Grand Rex ou de L’Olympia devant 2 000 personnes. Des débuts qui lui ont d’ailleurs valu l’étiquette de plus jeune humoriste de France il y a dix ans tout juste, sans passer par la voie virale des réseaux sociaux comme nombre de ses homologues issus de la génération Z.
Biberonné au stand-up et à l’écurie du Jamel Comedy Club, c’est sur les plateaux de télé que le natif de Villepinte (Seine-Saint-Denis, près de Paris) né de parents congolais a fait ses classes, exclu des bancs de l’école à 16 ans. « Jamel a ouvert la voie à des gens comme moi, aux minorités issues des quartiers, mais j’avais aussi envie de montrer que l’on pouvait proposer autre chose, ailleurs que dans l’entre-soi », reconnaît-il. Dans un paysage audiovisuel plutôt monochrome et vieillissant, le jeune trublion d’alors détonne mais se montre studieux, et présente de courts sketchs dans des émissions populaires comme Le Grand Journal de Canal+, faisant se tordre de rire les équipes du programme.
Un Roméo et Juliette malien
Si Stéphane Bak a conservé la même gouaille, la réflexion a mûri. Fini de jouer le rigolo de service sur petit écran, celui qui s’est fait remarquer dans Les Héritiers, de la réalisatrice française Marie-Castille Mention-Schaar, en 2014, voit les choses en grand (écran). Le rôle de Samba, dans Twist à Bamako, signé Robert Guédiguian, Stéphane Bak le voulait, l’attendait. Dans ce Roméo et Juliette malien sur fond de révolution et de yéyé, il joue le fils d’un riche commerçant qui souhaite installer l’idéologie socialiste au Mali, au lendemain de l’indépendance.
« Quand j’ai lu le script, j’ai immédiatement perçu que c’était un grand rôle. » C’est que Stéphane Bak a une idée bien précise de l’image qu’il souhaite renvoyer et de la carrière qu’il espère se construire. « J’aurais pu m’acheter un appartement en acceptant certains des rôles stéréotypés de dealer ou de cambrioleur que l’on m’a proposés, mais ça aurait été dégradant. On est peu d’acteurs noirs en France, alors il faut faire les bons choix. »
Une sélection de casting minutieuse qui lui a permis de tenir de petits rôles dans les films de réalisateurs reconnus comme le Français André Téchiné (L’Adieu à la nuit, 2019), et l’Américain Wes Andreson (The French Dispatch, 2021). Mais aussi de jouer dans La Miséricorde de la jungle, du réalisateur rwandais Joël Karekezi, primé au Fespaco en 2019. « Une fierté », glisse-t-il.
Je ne vois aucune appropriation des récits dans le fait qu’un réalisateur français s’empare de cette histoire
L’ancien stand-upper, qui a grandi dans une famille engagée, est conscient que « les récits africains sont rarement racontés en France, et qu’il faut les défendre ». Sa mère lui a transmis la spiritualité, son père, la politique. « Il a toujours parlé de ses revendications socialistes à la maison. Il était jeune au moment de l’indépendance du Congo, mais il m’a transmis ce pan de mon histoire. En tournant Twist à Bamako au Sénégal, j’ai creusé le sujet et j’ai renoué encore plus avec mon africanité, admet Bak, qui éprouve de la reconnaissance envers le réalisateur marseillais. Robert Guédiguian est depuis toujours reconnu pour son engagement communiste. Cet idéal n’a pas de frontières, il est universel. Je ne vois aucune appropriation des récits dans le fait qu’un réalisateur français s’empare de cette histoire sous forme de fiction. Il s’agit d’un épisode de l’Histoire qui fait aussi partie de celle de la France », rappelle-t-il.
L’acteur espère que la notoriété de Guédiguian amènera par ailleurs un public plus diversifié à découvrir ce film dans les salles en France, avant sa diffusion à la télévision sénégalaise. Stéphane Bak partagera ensuite l’affiche avec le tout aussi prometteur et jeune acteur Sami Outalbadi, lui aussi résolument tourné vers d’autres narrations, dans Novembre, de Cédric Jeminez, un film sur les attentats du 13 novembre 2015 en France.
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