Pièce inachevée

Publié le 6 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Les douzièmes Journées théâtrales de Carthage (JTC), qui se sont déroulées du 24 novembre au 3 décembre à Tunis, ont bénéficié d’un beau décor, celui hérité du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) : un centre-ville joliment éclairé, des rues propres et des artères refaites, des bus et des taxis arborant encore les enseignes de la rencontre onusienne. Mais la manifestation a démarré du mauvais pied, avec une ouverture médiocre, un programme inégal, un catalogue tardif et des débats ficelés à la hâte. Tous les risques ont été pris par l’homme de théâtre et directeur de cette session, Mohamed Driss : contrairement à la tradition, l’ouverture n’a pas été tunisienne, les paillettes ont été bannies, la compétition supprimée, les grands ténors de la scène locale absents et la volonté de faire une large place aux jeunes troupes excessive. De nobles risques certes, mais qui n’ont pas manqué de provoquer critiques ou déception.
En effet, malgré la programmation de la Côte d’Ivoire pour l’inauguration – avec Sogolon, de Were Were Liking -, les Subsahariens ont déploré la discrétion de leur région (2 pays sur 16 conviés), y voyant le peu d’intérêt que le Maghreb arabe leur porte. Les invités du Moyen-Orient ont dénoncé l’absence des pays du Golfe et la sur-représentation tunisienne. À l’exception des troupes syriennes et jordaniennes, les amoureux du quatrième art d’expression arabe sont restés sur leur faim.
Aux failles de cette édition, plusieurs explications : les JTC ont été différées à deux reprises pour cause de ramadan, puis de SMSI, lequel a réquisitionné toutes les énergies, les chantiers, ou les subventions. Certains analystes notent une sorte de démobilisation générale au profit du politique. Les familiers des coulisses culturelles évoquent des rivalités entre anciens et nouveaux responsables des JTC. Enfin, les professionnels du secteur relèvent la situation générale d’un théâtre arabe et africain qui a perdu son dynamisme des années 1970 pour laisser place à quelques noms ou troupes autonomes : « Cette édition a sélectionné ce qu’il y a de meilleur dans une production théâtrale médiocre », résume le critique libanais Paul Chaoul.
Philosophe, un journaliste avance : « Pris séparément, chacun de vous concédera que les JTC sont une des plus anciennes et plus importantes plates-formes du théâtre arabe et africain, mais peu sera fait pour maintenir ce prestige. » Ce n’est pas l’avis de l’homme de théâtre et comédien Raouf Ben Amor, aux yeux de qui les temps sont durs pour l’art dans le monde arabe en général : « Toute la création est au point mort dans cette région, et c’est déjà beaucoup que les JTC existent encore. À quoi servent les paillettes, la fête, les fleurs et le chichi dans un contexte culturel arabe sinistré ? Ne cachons pas de vrais problèmes avec de fausses solutions. Les pays invités devraient dire merci à ce rendez-vous théâtral car il leur offre un espace de rencontre et l’occasion de déceler les causes de leur crise. »

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