L’opinion palestinienne a basculé

Publié le 5 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Depuis le retrait israélien de la bande de Gaza, l’un des changements les plus spectaculaires, quoique largement ignoré par les médias, est le complet basculement de l’opinion palestinienne. Selon le dernier sondage réalisé à Ramallah par le Centre palestinien d’études politiques, de sondages et de recherche (PSR), la majorité des Palestiniens considère désormais l’amélioration de leur vie quotidienne comme leur priorité absolue. Ils ne sont plus que 15 % à placer au premier rang de leurs préoccupations la fin de l’occupation israélienne des Territoires occupés. L’enquête montre par ailleurs que les Palestiniens sont favorables à un cessez-le-feu permanent, même si beaucoup estiment que le retrait israélien de Gaza est la conséquence directe de la « résistance » armée. Pour la première fois, la majorité des sondés souhaitent que les combattants palestiniens déposent les armes.
C’est parce qu’ils ont pris conscience de ce retournement de l’opinion que les militants du Hamas ont accepté, au mois de février, le cessez-le-feu conclu avec les Israéliens par Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne. Ils ont compris qu’en allant à contre-courant ils risquaient de perdre le soutien du peuple.
Globalement respecté, le cessez-le-feu a néanmoins été violé, à plusieurs reprises, par le Djihad islamique et des Brigades d’Al-Aqsa. Ce qui a conduit les forces armées israéliennes à reprendre les assassinats ciblés et les arrestations à grande échelle des leaders des factions armées.

Khalil Shikaki, le directeur du PSR, estime qu’en réagissant de manière disproportionnée à ces opérations sporadiques les Israéliens montrent que l’arbre leur cache la forêt. La forêt, c’est évidemment le désir d’une solution pacifique qui prévaut aujourd’hui dans l’opinion palestinienne. L’arbre, ce sont les violations occasionnelles de la trêve. Les groupes islamiques armés espèrent que les représailles israéliennes, en punissant de manière collective des actes isolés, leur permettront de retrouver le soutien de la population.
Loin d’encourager les espoirs de paix des Palestiniens, Sharon a refusé de reprendre les négociations. Il a accéléré l’installation de colons en Cisjordanie alors que, selon la « feuille de route », il aurait dû y mettre un terme, et il a multiplié les entraves au déplacement des personnes, au lieu de le faciliter, et a fermé les points de passage entre Israël et la bande de Gaza, au risque de transformer le territoire en une vaste prison. Certes, sous la pression des États-Unis, il a été contraint, il y a quelques jours, de faire quelques promesses d’assouplissement, mais rien ne prouve qu’elles seront tenues.
Enfin, Sharon continue de critiquer l’incapacité d’Abbas à empêcher les violations du cessez-le-feu et affirme publiquement que le leader palestinien n’est pas le bon partenaire pour parvenir à la paix. La vérité est qu’il est impossible de juger des capacités d’Abbas sans tenir compte des obstacles bureaucratiques que l’occupation israélienne lui impose.

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Selon Amira Hass, du quotidien Ha’aretz, le premier soldat israélien venu, fût-il cantonné dans un lointain check-point, est mieux informé qu’Abbas des problèmes auxquels les Palestiniens sont confrontés. Le président, écrit-elle, n’a « ni l’autorité ni le pouvoir de permettre aux étudiants de Gaza ou de Jérusalem-Est de se rendre dans les établissements qu’ils sont censés fréquenter à Naplouse ou à Tulkarem ». De même, il « n’a pas les moyens de s’opposer aux expropriations de terres palestiniennes en Cisjordanie et à la construction de routes réservées aux Juifs ». Cela n’empêche pas Sharon de « le tenir pour responsable du comportement d’une poignée de militants ». Lesquels, à leur tour, « le fustigent, parce qu’il n’est même pas capable de faire en sorte qu’une femme sur le point d’accoucher puisse bénéficier des services d’un médecin ».
Si elles ne sont pas rapportées, les mesures destinées à punir collectivement le peuple palestinien et à empêcher la renaissance de Gaza amèneront les Palestiniens à la conclusion que leurs espoirs étaient vains. Dans cette hypothèse, il ne faudra pas s’étonner que l’Intifada reprenne de plus belle…

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