Le troisième tour

Pour le chef de l’État qui vient d’être largement réélu, le plus dur reste à venir : la nomination de son équipe.

Publié le 6 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

C’est une victoire sans surprise… et sans partage. Au pouvoir depuis trente-huit ans, le président Omar Bongo Ondimba a été réélu le 27 novembre pour sept ans à la tête du Gabon. Crédité de 79,21 % des suffrages lors de ce scrutin à un seul tour, il distance largement ses deux challengers les plus sérieux. Le leader de l’Union du peuple gabonais (UPG), l’opposant radical Pierre Mamboundou, a recueilli 13,57 % des voix. Quant à Zacharie Myboto, ex-baron du régime passé dans le camp ennemi, il engrange 6,58 % des suffrages. Un score qui risque de décevoir ses partisans. En effet, si l’ancien ministre des Travaux publics n’avait finalement aucune chance d’être élu, il pouvait espérer se positionner comme l’alternative la plus crédible au président sortant dans l’optique de sa succession. C’est Mamboundou, au contraire, qui conserve le rôle de « premier opposant » et demeure le candidat naturel des anti-Bongo dans la perspective d’une éventuelle alternance.
Du côté du vainqueur, en revanche, les motifs de satisfaction sont multiples. Certes, le chef de l’État sortant a bénéficié d’une importante logistique durant sa campagne, qui a été largement relayée par les médias locaux. Sillonnant le pays en avion et en hélicoptère, OBO a également pu s’appuyer sur les structures locales de son mouvement, le Parti démocratique gabonais (PDG), dans les neuf provinces du pays. Malgré cet imposant déploiement de force, l’ampleur de sa victoire en a surpris plus d’un. Le candidat Bongo Ondimba gagne douze points par rapport à la présidentielle de 1998, à l’issue de laquelle il avait recueilli 66,88 %. Il remporte même plus de 60 % des voix dans chacune des neuf provinces.
Autre motif de contentement pour le champion du PDG : alors que son équipe de campagne craignait que les Gabonais ne boudent les urnes, le taux de participation est relativement élevé, puisqu’il atteint 60,29 %. Ce qui constitue une performance au regard de la désaffection croissante des électeurs observée ces dernières années.
Bien que Pierre Mamboundou et Zacharie Myboto aient tous deux dénoncé des fraudes, la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle était attendue comme une formalité. D’ailleurs, le microcosme politique librevillois s’intéresse déjà au troisième tour. Désormais, c’est la composition du prochain gouvernement qui focalise toutes les attentions.
Comme toujours au Gabon, cette délicate alchimie devra tenir compte de paramètres régionaux et ethniques, ainsi que des diverses sensibilités politiques qui composent la mouvance présidentielle… L’attribution de nouveaux portefeuilles ministériels, et surtout de la primature, devra également tenir compte des scores enregistrés par le président dans les différentes provinces. À titre d’exemple, OBO a engrangé plus de 95 % des voix dans le Woleu Ntem, la province la plus septentrionale du pays, dont une partie de la population fang est pourtant réputée pour ses sympathies à l’égard de l’opposition. Les barons du PDG originaires de cette région voudraient bien voir l’un des leurs prendre la tête du gouvernement, d’autant que ce poste a longtemps été trusté par des Fangs de l’Estuaire (province où se trouve la capitale). Les Nordistes estiment donc que leur tour est venu.
Mais le choix du Premier ministre devra obéir à d’autres impératifs, notamment celui de la préparation des prochaines législatives, prévues pour décembre 2006 et vers lesquelles les regards se tournent déjà. Enfin, ce nouveau septennat sera certainement différent des précédents pour une raison simple : sujet jusqu’ici considéré comme tabou, la succession de Bongo Ondimba ne l’est plus. Le président a lui-même annoncé sur les ondes nationales durant la campagne qu’il proposerait aux Gabonais, le moment venu, « trois ou quatre personnes » susceptibles de prendre le relais. Reste à savoir quand le doyen des chefs d’État africains fera connaître sa préférence : « Faut-il les choisir maintenant ou bien à la fin du mandat ou bien à la fin de ma carrière politique ? » s’est-il interrogé publiquement. La réponse lui appartient. Mais, d’ores et déjà, il est certain que la liste de la nouvelle équipe gouvernementale fera l’objet d’un décryptage au laser de la part des éventuels prétendants à la succession. D’abord (c’est l’intention que l’on prête au chef de l’État) parce qu’elle devrait adouber un certain nombre de jeunes talents ou de nouvelles têtes qui, par opposition aux crocodiles qui hantent le marigot gouvernemental depuis des lustres, pourront contribuer à rendre une certaine popularité à l’exécutif. Ensuite parce qu’il semble ne faire aucun doute que les « trois ou quatre personnes » parmi lesquelles Bongo Ondimba trouvera son dauphin feront partie de la future équipe.

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