Le nerf de l’économie

Grâce aux investissements consentis, la distribution d’électricité s’améliore.

Publié le 5 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Et si les coupures de courant étaient appelées à disparaître au Cameroun ? C’est en tout cas le pari lancé par la nouvelle équipe dirigeante d’AES-Sonel en poste depuis février 2004 pour stopper « la chronique d’une catastrophe annoncée ». Le géant américain de l’électricité (AES Corporation), présent dans 26 pays, est arrivé au Cameroun en 2001 en mettant sur la table 70 millions de dollars pour obtenir 56 % du capital de la Société nationale d’électricité (Sonel). La concession est prévue sur vingt ans. « Cela constitue notre plus gros investissement », affirmait alors le PDG Paul Hanrahan venu spécialement de Virginie. Mais ce qui devait être une très bonne affaire s’est très vite transformé en cauchemar pour des Américains peu habitués aux vicissitudes camerounaises. Délestages en série pour cause de sécheresse, sous-capacité des barrages et des centrales thermiques, défaut d’entretien, fragilité chronique du réseau de distribution, vols d’énergie, effectifs pléthoriques et peu motivés, paiements erratiques des usagers… La liste des dysfonctionnements est longue. À la fin de 2003, les députés, furieux, demandent l’expulsion d’AES. « La situation était épouvantable. Tout allait de travers », se souvient Justin Ndioro, le conseiller du président Paul Biya en matière d’énergie. Il a fallu tout reprendre de zéro. Titulaire d’un doctorat en économie obtenu à la Sorbonne et ingénieur à la Sonel depuis vingt-sept ans, Jean-David Bilé est appelé à la rescousse. Sa tâche : sauver AES-Sonel.
Le redressement de l’entreprise, « cela commence par un changement de culture », tranche le nouveau directeur général. Des salariés convaincus de corruption ont été « virés », mais pour les autres, les salaires ont connu une hausse de 18 % à 20 %. « La capacité des Camerounais à gérer une société est en jeu et notre réussite est déterminante pour l’économie nationale », insiste Jean-David Bilé, qui se veut sans complaisance sur l’intégrité de son personnel, des usagers et des sous-traitants. Des opérations coups de poing ont été menées pour faire la chasse aux branchements sauvages. Le fichier clientèle a été informatisé. Plus de 11 milliards de F CFA ont ainsi été récupérés entre 2004 et 2005. Les contrats réservés aux copains ont par ailleurs été résiliés, et les fournisseurs doivent à présent systématiquement passer par des appels d’offres. Les résultats ne se sont pas fait attendre. Le chiffre d’affaires est passé de 133 milliards de F CFA en 2004 à 144,4 milliards en 2005, tandis que 166,6 milliards sont attendus pour 2006. « Nous dépassons les objectifs fixés et nos performances vont permettre à l’État d’empocher des dividendes », se félicite Bilé. Avant d’ajouter : « Les deux parties sont gagnantes ! »
Quant aux abonnés, ils ont vu leur facture augmenter en moyenne de 7,5 % sur quatre ans. « Cela nous a permis de rétablir l’équilibre financier de l’entreprise. Mais nous avons renoncé à la dernière hausse prévue. Nous allons seulement suivre l’inflation », précise le numéro un d’AES- Sonel. Autre motif de satisfaction, la diminution des pertes techniques grâce à la réfection du réseau de distribution. Les priorités : le changement des transformateurs et un renforcement des lignes. Le rendement d’AES devrait ainsi passer de 69 % en 2004 à 78 % en 2006, puis 83 % en 2009. Au total, les investissements effectués ont atteint 120 milliards de F CFA, avec notamment la construction d’une centrale à fioul lourd à Limbé d’une puissance de 85 MW. « Mais le plus gros est à venir. »
Les trois barrages hydroélectriques en service sur le fleuve Sanaga (Songloulou, Edéa et Lagdo) et les six centrales thermiques d’une capacité totale de 1 000 MW ne vont bientôt plus suffire. Pour combler ce déficit énergétique annoncé d’ici à 2008, le renforcement des moyens de production va être accéléré et une centrale à gaz va voir le jour à Kribi. Le montant total des investissements est de 350 milliards de F CFA sur cinq ans.
Mais, à l’échelle du Cameroun, d’autres projets sont à l’étude, ouvrant le secteur énergétique à la concurrence, conformément à la loi sur la libéralisation votée en 1998. La construction d’un barrage est envisagée sur le site de Lom Pangar dans le centre du pays. Le coût de ce projet, jugé prioritaire par le gouvernement, est estimé à 164 millions d’euros (107 milliards de F CFA) et l’exploitation des équipements doit faire l’objet d’un appel d’offres international. Le groupe canadien d’aluminium Alcan vient par ailleurs d’engager des démarches auprès des autorités camerounaises pour multiplier par trois la production de sa filiale Alucam installée à Edéa, une industrie grande consommatrice d’énergie. Un objectif qui passe notamment par la construction d’une centrale hydroélectrique à Nachtigal, sur la Sanaga, d’une puissance de 300 MW. Montant des investissements : 761 millions d’euros (422 milliards de F CFA). Alucam consomme actuellement 35 % de l’énergie électrique produite au Cameroun.

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