Business : le but en or de Drogba

Dans l’immobilier, le textile ou les mines, le footballeur ivoirien Didier Drogba jongle avec des millions de dollars. Sera-t-il aussi talentueux en affaires que sur les terrains ?

Didier Drogba à Shanghaï (en 2012) où il a développé ses activités d’import-export. © Weng Lei/ AFP

Didier Drogba à Shanghaï (en 2012) où il a développé ses activités d’import-export. © Weng Lei/ AFP

Publié le 3 février 2014 Lecture : 5 minutes.

Scène surréaliste le 7 janvier à Abidjan. Dans les bureaux du Premier ministre Daniel Kablan Duncan, Didier Drogba semble hésitant. La star ivoirienne du club de Galatasaray, avec qui il fut champion de Turquie en 2013, également triple champion d’Angleterre et vainqueur de la Ligue des champions avec Chelsea, aurait presque le trac. Il s’apprête à finaliser avec Kaba Nialé, la ministre chargée de l’Économie et des Finances, et Abdourahmane Cissé, son homologue du Budget, son entrée dans le capital de la Société des mines d’Ity (SMI), qui exploite un gisement d’or dans l’ouest du pays. Le footballeur demande deux heures de répit. Puis il s’éclipse, laissant là le Premier ministre et les deux membres de son gouvernement.

Reconversion

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Pour un homme habitué à jongler avec les millions d’euros, les 3 milliards de F CFA (4,5 millions d’euros) que représente la cession de 5 % des parts de l’État dans la SMI ne devraient pas peser lourd. Mais ce jour-ci, c’est une autre affaire qui se joue, bien plus que le simple changement de main de 60 000 actions : l’arrivée officielle de la star ivoirienne dans le monde féroce des affaires. A-t-il alors en tête les échecs financiers de certains grands sportifs ? Pense-t-il à Samuel Eto’o, dont les affaires au Cameroun ont fort mal commencé ? « Non, il pense plutôt à de célèbres basketteurs américains qui ont su préparer leur reconversion dans le business », raconte un proche.

Pense-t-il à Samuel Eto’o, dont les affaires au Cameroun ont fort mal commencé ?

Comme Michael Jordan ou Magic Johnson, ex-superstars des parquets de la NBA, Didier Drogba n’a pas attendu la retraite pour s’initier aux joies du business. Il a su valoriser son image en Afrique, où il dispose de contrats publicitaires avec Orange et Windhoek Lager, une bière namibienne.

Depuis son transfert en 2004 de Marseille à Chelsea pour le montant alors astronomique de 37 millions d’euros, l’international ivoirien a aussi investi massivement dans l’immobilier, notamment à Abidjan et à Bamako, la capitale malienne d’où est originaire son épouse Lala Diakité Drogba. Sans oublier que, comme le révèle l’un de ses proches, « son départ en Chine en 2012, après son sacre en Ligue des champions européenne avec le club anglais de Chelsea, n’était guidé que par le business. Drogba est très actif dans l’import-export de biens de consommation. La Chine lui offrait l’opportunité de développer cette activité ».

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Dévolu

À l’époque, Drogba songe déjà à monter sa propre entreprise en Côte d’Ivoire et prospecte les secteurs attractifs, à fort taux de croissance. Il s’en ouvre à Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, qui lui conseille de s’intéresser au processus de privatisation de plusieurs sociétés à participation publique que le gouvernement s’apprête à lancer. Drogba jette son dévolu sur la SMI, pour laquelle il cible le rachat de 10 % de parts que l’État met à la disposition des investisseurs ivoiriens. Après d’âpres négociations, en juin 2013, le président Alassane Ouattara décide de lui en céder la moitié.

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Télécoms : Eto’o n’a plus de batterie

Management instable, stratégie peu lisible, manque de réactivité… L’entreprise de télécommunications lancée en 2012 par le sportif camerounais est à l’agonie. Les affiches et parasols estampillés Set’Mobile se font rares dans les call-box, ces points de revente fixes de crédits de communication qu’on trouve à Douala et Yaoundé.

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Quatre mois plus tard, le footballeur s’appuie sur son cercle rapproché pour monter Keyman Investment, avec un capital initial de 10 millions de F CFA. « La création de Keyman Investment répond au souci de rassembler toutes les affaires de Didier au sein d’une seule entité. Nous nous consacrons pour le moment à consolider notre premier investissement officiel dans la mine d’Ity », confie à Jeune Afrique Thierno Seydi, le manageur du joueur, également administrateur de la nouvelle société.

Garde rapprochée

Mais Drogba ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin. À la différence de ses aînés basketteurs, qui se sont spécialisés l’un dans l’habillement sportif, l’autre dans le business urbain (prestations de loisirs en ville), c’est un portefeuille diversifié que l’Ivoirien veut construire.

On lui prête ainsi des ambitions dans le textile. Ses proches préfèrent rester prudents, conscients que l’aventure, si elle est fondée sur la solide fortune de Drogba (qui a gagné près de 15 millions d’euros en 2013), est encore un peu fragile pour que de trop importantes ambitions soient dévoilées publiquement. « Nous avons décidé de nous consacrer à notre premier investissement », insiste Idriss Yacine Diallo, administrateur de Keyman Investment.

Vice-président chargé du marketing à la Fédération ivoirienne du football (FIF), Idriss Diallo a sillonné l’Afrique et le monde pour trouver des partenariats pour les Éléphants, l’équipe nationale. Son carnet d’adresses est un atout pour la nouvelle entreprise, et il ne se prive pas de l’utiliser. « Nous n’excluons pas des prospections au Sénégal, au Gabon et dans d’autres pays, même en Occident », précise-t-il après quelques jours passés à Libreville pour développer le Drogba business. Avec Thierno Seydi, Idriss Diallo est l’un des hommes forts chargés des projets de Didier Drogba dans le monde des affaires. L’avocate française Pascale Perez, conseil juridique du footballeur depuis plusieurs années et administratrice de Keyman Investment, complète cette garde rapprochée.

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Conseils

Côté famille, Albert, le père du joueur, le conseille également beaucoup sur ses choix. « Son père est son complice idéal. Ils se parlent régulièrement au téléphone », confirme un des proches du footballeur. Mais ce dernier n’a pas voulu impliquer directement son cercle familial pour diriger Keyman.

L’homme, qui pèse aujourd’hui près de 300 millions d’euros, a une idée précise de son avenir de retraité du sport : du conseil dans le domaine du ballon rond ; de la philanthropie avec sa fondation, qui construit actuellement des hôpitaux pour enfants en Côte d’Ivoire, et un portefeuille d’affaires diversifié et rentable.

À 35 ans, sa reconversion s’annonce prometteuse : sur la base des bénéfices réalisés en 2013 par la mine d’Ity, il faudra seulement deux ans à Keyman Investment pour récupérer sa mise initiale. « C’est un geste fort d’investir dans mon pays. C’est une façon de montrer le chemin aux Ivoiriens », a confié le footballeur.

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