« Il faut privilégier l’emploi »

Bernard Messengue Avom, ministre des Petites et Moyennes Entreprises (PME), de l’Économie sociale et de l’Artisanat.

Publié le 5 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Après avoir été inspecteur d’État, puis conseiller technique auprès du Premier ministre, Bernard Messengue Avom, 47 ans, a été nommé ministre des Petites et Moyennes Entreprises (PME), de l’Économie sociale et de l’Artisanat en décembre 2004. « Une mission capitale », explique-t-il à J.A.I.

Jeune Afrique/l’Intelligent : C’est la première fois qu’un ministère des PME est créé au Cameroun. Comment concevez-vous votre action ?
Bernard Messengue Avom : Après l’indépendance, le Cameroun a hérité d’une structure économique qui faisait la part belle aux grandes entreprises. Mais les résultats ont été décevants. Chaque fois que les investissements privés fléchissent, le Cameroun souffre. Exemple avec le pipeline de Kribi, qui achemine le pétrole tchadien jusqu’à l’océan : ce projet a suscité des investissements lourds ; mais, depuis la fin du chantier, en 2004, l’activité du pays diminue et le taux de croissance, en 2005, ne dépassera pas 2,8 %. Il faut donc densifier le tissu économique du Cameroun et faire en sorte que l’économie réelle repose prioritairement sur les PME, l’artisanat et l’économie sociale. Entre 90 % et 95 % des entreprises camerounaises sont des PME. Elles emploient 49,7 % des actifs. Mais leur effet d’entraînement est encore insuffisant et ce potentiel est mal valorisé. Pour créer plus d’emplois et de la richesse, et lutter efficacement contre la pauvreté, il faut encadrer et renforcer ce dynamisme entreprenarial. Cette mission, qui m’a été confiée par le chef de l’État, est capitale.
J.A.I. : Est-ce que le Cameroun veut s’affranchir des grandes sociétés et des investisseurs étrangers ?
B.M.A. : Non, nous ne voulons pas développer les PME au détriment des grandes sociétés. Mais en termes de création d’emplois, les filiales de grands groupes sont empêtrées dans des rigidités structurelles et elles ont parfois du mal à s’adapter. Les PME, au contraire, peuvent plus facilement répondre aux fluctuations du marché et aux évolutions de la conjoncture. Cette flexibilité est une force, et les investissements, moins élevés, sont plus accessibles. J’entends aussi développer le « compagnonnage » pour permettre aux grandes entreprises qui le souhaitent d’accompagner des PME en matière de formation et de transfert de technologies dans leur secteur d’activité. Les PME vont pouvoir ainsi sous-traiter des tâches à moindre coût.
J.A.I. : Comment convaincre les petits entrepreneurs de quitter le secteur informel ?
B.M.A. : Le secteur informel est très important, il représente entre 60 % et 75 % du PIB. Il y a plusieurs raisons à cela. Les lenteurs administratives ne permettent pas de créer rapidement son entreprise. La fiscalité est parfois trop lourde pour de jeunes entrepreneurs, qui ne peuvent pas faire face. On peut aussi évoquer le manque d’encadrement technique et le déficit de formation. L’absence de financement bancaire oblige enfin la plupart d’entre eux à recourir aux tontines. Face à ce phénomène, l’approche était jusque-là uniquement fiscale et les intéressés la jugeaient répressive. À présent, nous sollicitons leur collaboration pour la mise en oeuvre et l’élaboration des politiques publiques. Nous allons à leur rencontre car ils doivent se sentir considérés. Je vais lancer une étude sur la migration du secteur informel vers l’économie structurée et je vais créer une Chambre nationale de l’artisanat pour favoriser ce passage. Beaucoup se disent prêts à franchir le pas, s’ils obtiennent certaines garanties.
J.A.I. : Est-ce que la fiscalité est réellement trop lourde au Cameroun, comme le disent certains patrons qui demandent des mesures incitatives pour relancer l’activité économique ?
B.M.A. : Nous sommes sous programme d’ajustement avec le FMI. Cela implique des conditions et des contraintes budgétaires pour atteindre le point d’achèvement avec, à la clé, une forte réduction de la dette. On demande donc aux opérateurs économiques de participer à cet effort. Mais, une fois le point d’achèvement atteint et la sérénité budgétaire retrouvée, il sera possible d’étudier un certain nombre de mesures fiscales permettant aux PME de se développer plus facilement. On demande donc à chacun de se serrer la ceinture encore un peu, avant d’accorder un peu plus de souplesse.
J.A.I. : Quels sont les secteurs qui vous paraissent prioritaires ?
B.M.A. : Contrairement aux théories économiques généralement admises, ce n’est pas la loi de l’offre et de la demande qui régule le marché au Cameroun. C’est l’offre qui crée la demande. Près de 45 % des PME sont dans les services. Les investissements sont légers et les gains plus faciles. Les gens s’y engouffrent. Étant donné les ressources dont nous disposons, et notamment le potentiel agricole, il faut à présent réorienter ce dynamisme vers les secteurs productifs. Notre économie pourra ainsi reposer sur des bases solides.

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