Maroc : les professionnels du tourisme ruent dans les brancards
Le 4 janvier, environ 200 représentants d’agences de voyage se sont rassemblés devant le siège du ministère du Tourisme pour protester contre la fermeture des frontières, et réclamer l’application de mesures d’urgence.
Ce 4 janvier, plusieurs professionnels appartenant à des branches différentes, mais toutes rattachées au secteur du tourisme, se sont réunis en face des locaux du ministère du Tourisme pour faire entendre leurs voix. En chœur, ils ont dénoncé « l’effondrement dramatique » du secteur, allant même jusqu’à implorer le gouvernement d’avoir « pitié de l’économie et du peuple ».
Pour rappel, les frontières du Maroc sont fermées depuis le 29 novembre. Initialement prévue pour une durée de deux semaines, cette fermeture a été prolongée jusqu’au 31 janvier 2022 en raison de l’apparition d’un cas du variant Omicron sur le territoire national le 15 décembre. À ce jour, rien ne laisse présager que cette date butoir ne sera pas à nouveau prorogée.
Spécificité marocaine
Les festivités du nouvel an ont été annulées et un couvre-feu de minuit à six heures du matin a été instauré dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Ces mesures, mal reçues par une partie de la population, illustrent une spécificité marocaine, celle de la prévention, que certains jugent excessive.
Une méthode constante de gestion de la crise sanitaire qui transcende les clivages politiques. Déjà l’ancien chef du gouvernement Saâdeddine El Othmani (PJD) avait décidé de fermer les frontières au milieu du mois de mars 2020 avec les pays les plus touchés par la pandémie, dont la France, l’Italie, ou encore l’Espagne, après l’apparition d’un septième cas de contamination au nouveau coronavirus.
Seulement, dans un pays où le tourisme représentait 11 % du PIB et 5 % des emplois en 2019 et où des villes comme Marrakech dépendent entièrement du tourisme, la politique de prévention des autorités s’est transformée en cauchemar pour les opérateurs du secteur.
Les mesures drastiques, souvent prises au dernier moment, conjuguées à une absence de visibilité quant à leur abrogation, ont provoqué la détresse des restaurateurs, hôteliers, et agences de voyage, qui réclament depuis plusieurs mois un « plan Marshall » pour sauver l’industrie touristique.
Le président de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH), Lahcen Zelmat, n’hésite plus à mettre directement en cause le gouvernement. Contacté par JA, il dénonce la non application d’un accord de principe négocié avec la ministre du Tourisme, Fatim-Zahra Ammor, en août 2021, contenant dix mesures, dont l’exemption des taxes locales pour les établissements fermés, ou le report des échéances de crédit. Lahcen Zelmat réclame aussi la prise en charge des intérêts par l’État et, surtout, la réouverture des frontières.
« Cela fait des mois et des mois que nous donnons des chiffres alarmants. Tout ce qui tourne autour du tourisme, comme l’agroalimentaire, l’artisanat, sans parler des emplois indirects, s’écroule », déplore-t-il.
La balle est aujourd’hui dans le camp du gouvernement, mais nous avons l’impression qu’il n’y a aucune cohésion
S’il se dit conscient de la nécessité de maintenir un haut niveau de vigilance et se montre favorable au pass vaccinal, il estime toutefois que la fermeture des frontières n’a plus de sens dès lors que le variant circule déjà sur le territoire. « Les autorités, qui aiment se féliciter de la bonne gestion de l’épidémie, n’en tirent aucune conséquence », regrette-t-il.
Absence de leviers
Un temps au cœur des polémiques, notamment lorsqu’elle s’est rendue en Espagne le jour de la fermeture des frontières pour assister à l’assemblée générale de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), Fatim-Zahra Ammor continue toutefois de bénéficier d’un crédit auprès des acteurs du secteur.
Le président de la FNIH affirme d’ailleurs que la ministre est « totalement en phase avec nous, les opérateurs du tourisme », mais que ses marges de manœuvre sont réduites. « L’exemption des taxes locales que nous réclamons dépend du ministère de l’Intérieur, et d’autres mesures relèvent de la compétence du ministère de l’Économie et des Finances. La balle est aujourd’hui dans le camp du gouvernement, mais nous avons l’impression qu’il n’y a aucune cohésion, et que chacun agit selon son bon gré », dénonce-t-il. Un gouvernement qu’il juge « complètement à côté de la plaque ».
La ministre s’est pour le moment contentée de reconduire l’aide mensuelle de 2000 dirhams (190 euros) – mise en place par le précédent gouvernement et suspendue en juin 2021 – durant 16 mois. Une mesure jugée insuffisante pour Lahcen Zelmat, qui affirme que « les banques n’hésitent pas à saisir l’argent versé pour rembourser les crédits que leurs créanciers ne sont plus en mesure de payer ».
Selon Lahcen Zelmat, en l’absence de décisions concrètes annoncées rapidement, plusieurs entreprises vont commencer à déclarer faillite. « Le gouvernement pense que puisqu’on a encaissé pendant 22 mois, on pourra encore tenir, mais il se trompe ! », conclut-il.
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