Exit Oppenheimer ?

Actionnaire à 45 % du numéro un mondial du diamant, Anglo American veut accroître sa participation. Et coiffer au poteau la famille régnante.

Publié le 6 décembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Que se passe-t-il donc dans l’univers secret du sud-africain De Beers, premier producteur mondial de diamants ? Analystesinitiés évoquent une lutte de pouvoir entre les deux principaux actionnaires, Anglo American, le groupe minier britannique coté en Bourse, et la famille Oppenheimer, qui détiennent chacun 45 % du capital. Les 10 % restants sont aux mains de Debswana, une coentreprise entre De Beers et le gouvernement du Botswana, où est extraite la majorité des pierres.
D’après eux, Anglo American souhaiterait augmenter sa participation et ainsi coiffer au poteau la famille Oppenheimer. « Anglo American joue un rôle de plus en plus important au sein de la société, selon James Picton, analyste chez WH Ireland. Et l’inquiétude grandit quant à la place des Oppenheimer. En fait, De Beers s’apparente davantage à un département d’Anglo American qu’à une chasse gardée des Oppenheimer, qui n’auront d’autre choix que de s’exécuter. » Anglo American a été fondé en 1917 par Ernest Oppenheimer, grand-père de l’actuel président de De Beers, Nicky Oppenheimer. Après la prise de contrôle de De Beers par Ernest en 1929, les deux sociétés seront dirigées conjointement pendant près de soixante-dix ans. Jusqu’à la séparation de leurs directions et de leurs opérations en 1998.
Apparemment, Anglo American serait déjà parvenu à persuader la famille Oppenheimer de se mettre en retrait. À preuve : la démission, en septembre, de Jonathan Oppenheimer, directeur général de De Beers Consolidated Mines, la branche sud-africaine du groupe. Par ailleurs, Anglo American a révélé, en octobre, un plan de restructuration de la société, incluant une cession possible des actifs pour un montant de 12 milliards de dollars et un recentrage des activités autour du platine, des diamants, du charbon, du minerai de fer et du cuivre.
« Les diamants sont une formidable source de revenus pour Anglo, qui serait sûrement ravi d’augmenter sa participation au sein de De Beers, explique Heath Jansen, de Citigroup. S’ils en avaient l’occasion, je suis persuadé qu’ils la saisiraient. Mais il paraît difficile de modifier l’équilibre des pouvoirs en place. » Pourtant, d’après une source du secteur bancaire, De Beers étudierait la possibilité d’un retour en Bourse. La société s’était retirée de la place de Johannesburg en 2001 car, aux dires de son président d’alors, Gary Ralfe, « elle perdait de la valeur au lieu d’en gagner ». Une nouvelle entrée en Bourse serait l’occasion pour Anglo d’augmenter sa participation au sein de De Beers et d’en contrôler ainsi la direction. De son côté, la famille Oppenheimer pourrait retirer une somme considérable – au moins 4 milliards de dollars, en se fondant sur l’estimation actuelle de 9 milliards de dollars – de la cession de ses parts. Le marché devrait également réagir favorablement, l’industrie du diamant étant en pleine expansion, tirée par une forte demande indienne et chinoise.
L’intéressé dément. « De Beers est une société privée et le restera », affirme le groupe. Anglo American s’est, pour sa part, refusé à tout commentaire. Mais, d’après M. Picton, « le scénario d’un retour en Bourse se tient et serait une très bonne idée. De Beers a récemment fait une présentation très détaillée aux analystes d’Anglo American. Or une société privée n’a absolument pas besoin de donner toutes ces informations, ce qui me conduit à penser qu’ils préparent le terrain pour une entrée en Bourse. »
Au moment de sa sortie du marché boursier, la capitalisation de De Beers s’élevait à 16 milliards de dollars, un montant qui incluait les activités non diamantaires du groupe ainsi que les 38 % de parts d’Anglo American détenues par la famille Oppenheimer, qui a accepté de les céder au moment du retrait. Mais depuis, De Beers a changé. Le groupe, qui utilisait autrefois son monopole sur la livraison de diamants bruts pour contrôler les prix, s’est transformé en une gigantesque affaire dont les profits et la production ne peuvent qu’aiguiser l’appétit des investisseurs. Et dont la valeur est sûrement bien supérieure à 9 milliards de dollars.

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