Avis de tempête

Grave déséquilibre de la balance des paiements, surévaluation de la livre… Le risque d’une nouvelle débâcle financière n’est pas à écarter.

Publié le 6 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.

La Turquie a traversé de très graves crises financières en 1994 et 2001, causées notamment par un déséquilibre de la balance des paiements et une livre surévaluée. Bien que l’économie soit aujourd’hui florissante et que l’investissement étranger commence à arriver, un professeur d’économie à l’université Johns Hopkins de Baltimore, Steve Hanke, estime qu’une autre crise se profile à l’horizon. La balance des paiements est dans une situation dangereusement comparable à celle de 1994 et de 2001, a-t-il déclaré devant la Yased, l’Association des investisseurs étrangers en Turquie. La livre est peut-être surévaluée de 50 %, à un moment où la Réserve fédérale américaine relève les taux d’intérêt. Hanke ne dit pas que la crise est inévitable, mais, pour lui, la menace est réelle.
Si la Turquie connaissait une nouvelle débâcle financière, elle serait plongée dans une crise politique qui entraînerait presque certainement la chute du gouvernement, comme précédemment, et retarderait son redressement économique. Les perspectives d’adhésion à l’Union européenne pourraient être, elles aussi, compromises. C’est pourquoi le gouvernement, comme les Turcs en général, semble disposé à accepter les recommandations du Fonds monétaire international (FMI), qui sont pour beaucoup dans le redressement actuel et un taux de croissance qui s’est élevé à 8,9 % l’an dernier.
Le facteur le plus inquiétant est le déficit des paiements courants, qui devrait être en 2005 de 6,3 % du produit intérieur brut (PIB). Ce déficit est financé par des investissements de capitaux à court terme et par l’endettement, mais on ne pourra pas continuer très longtemps à ce rythme, surtout si l’environnement n’est plus favorable à l’investissement sur les marchés émergents.
Steve Hanke n’a jamais ménagé ses critiques à l’encontre du FMI ni de la Banque centrale turque, qui, depuis janvier, vise explicitement à réduire l’inflation. La Banque, dit-il, a suivi « la dernière mode » des Banques centrales, et la Turquie risque du coup de se retrouver avec des taux d’intérêt très élevés. Les taux d’intérêt réels en Turquie sont les plus élevés des pays émergents, après ceux du Brésil. (Elle les a ramenés, à la mi-novembre, de 14 % à 13,75 %.) Le ministère turc des Finances s’est refusé à tout commentaire, mais le secrétaire général de la Yased, Moustafa Alper, déclare : « Je pense qu’il se trompe complètement. Nos équilibres financiers ne sont pas parfaits, mais ils sont bien meilleurs qu’il y a quatre ans. »
Selon Erhan Aslanoglou, professeur d’économie à l’université de Marmara, à Istanbul, la surévaluation de la livre serait de 25 % à 30 % par rapport à l’euro, mais ce n’est pas grave. « J’admets qu’il y a un risque, dit-il. Mais la différence, aujourd’hui, c’est que la livre flotte librement. La surévaluation n’est donc pas garantie. Il est probable qu’il y aura une correction, mais cela ne provoquera pas de crise. » Aslanoglou souligne que l’augmentation de la productivité en Turquie justifie une forte évaluation de la livre.
Pour Hanke, les beaux jours sont finis pour les marchés émergents. « Les quatre années écoulées ont été exceptionnelles, explique-t-il. Il en sera probablement tout autrement maintenant que la Réserve fédérale resserre les boulons. »

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