À armes inégales

Nombres d’entreprises souffrent de la fraude, de la contrebande et de la contrefaçon.

Publié le 5 décembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Un chiffre d’affaires divisé par deux entre 1999 et 2003, 200 postes supprimés en juin pour chômage technique, des résultats négatifs depuis quatre ans… La situation de la Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam) est alarmante. Le cas du fabricant de pagnes camerounais, fleuron de la transformation du coton en Afrique centrale, n’est pas isolé. Depuis plus d’un an, le rythme de travail de Pilcam, numéro un de la production de piles dans la sous-région, est passé de six à quatre jours hebdomadaires, et de 24 à 16 heures quotidiennes, baisse des ventes oblige. Les minoteries GIMC, elles, ont licencié 250 personnes. La liste pourrait se poursuivre…
La faute à qui ? Un trio revient immanquablement : fraude, contrebande, contrefaçon. Trois fléaux que l’économie camerounaise subit de plein fouet depuis la fin des années 1990. Et qui constituent un sérieux manque à gagner, aussi bien pour les entreprises que pour l’État. Selon un membre du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), les pertes annuelles cumulées avoisinent les 65 milliards de F CFA. Au bas mot, puisqu’il est par définition impossible de quantifier précisément le commerce illicite.
Le Cameroun, qui partage sa frontière nord-ouest avec le Nigeria, a toujours subi la concurrence des produits que son voisin déverse sur son marché. Ces dernières années, le phénomène s’est aggravé, le naira, la monnaie nigériane alignée sur le dollar, s’étant considérablement déprécié par rapport au franc CFA, aligné lui sur l’euro. Résultat : un pagne « made in Nigeria » vaut 2 700 F CFA, contre 5 000 F CFA pour un produit similaire de la Cicam !
Second courant de commerce illicite, les flux de l’Asie vers l’Afrique. Des produits de Chine et du Pakistan, parfois des contrefaçons, arrivent par conteneurs entiers sur le port de Douala. Non déclarés ou nettement sous-évalués, ils sont vendus à des prix encore plus compétitifs que ceux du Nigeria.
Les conséquences sont redoutables pour les entreprises. Le directeur de Pilcam, David Miklas, témoigne à propos d’un nouveau produit, la pile R6 : « Nous avons fait le pari de la technologie, avec beaucoup d’argent investi, mais nous sommes concurrencés par un produit chinois moins cher mais de moins bonne qualité, importé illégalement. Ces importations échappent aux contrôles, alors que nous payons nos impôts. »
Conscientes du problème, les autorités ont instauré un guichet unique au port de Douala, qui permet un meilleur contrôle des marchandises. Une évaluation du travail des postes de douane a également été lancée. Mais cela ne suffit pas pour enrayer le commerce illicite. À court terme, le Gicam réclame des opérations de saisies coups de poing pour décourager contrebandiers et fraudeurs. Et, tout simplement, l’application de la loi, les coupables étant souvent identifiés : « J’ai vu de mes propres yeux des contrebandiers, fraudeurs et autres contrefacteurs décharger allègrement des cargaisons entières de marchandises sous les yeux complaisants des douaniers », témoigne Pierre Regenet, directeur général de la Cicam. À moyen terme, les patrons préconisent la mise en place de prix de référence pour éviter le dumping, ainsi que l’abaissement des droits de douane pour que le commerce illicite ne soit plus attractif. Sans perdre de vue le fond du problème, qui n’est autre que la faiblesse du pouvoir d’achat camerounais.

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