À quoi joue Hortefeux ?

Après Dakar et Libreville, le ministre français de l’Immigration est parvenu à « vendre » à Brazzaville sa politique des quotas.

Publié le 6 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Les images de Brice Hortefeux, le ministre français de l’Immigration, dans les locaux de la mairie de Talangaï, 6e arrondissement de Brazzaville, la capitale congolaise, découvrant devant les caméras de télévision françaises l’état de dénuement des services de l’état civil avaient quelque chose de choquant. Il s’agissait sans doute pour le ministre de convaincre ses compatriotes que, face à l’absence de service d’identification digne de ce nom dans un pays comme le Congo qui a été victime d’une guerre civile, le recours aux tests ADN est légitime. Mais cette mise en scène, loin de favoriser l’image de marque d’un ministre et d’une politique d’immigration qui provoque controverse et polémique, renvoie également à la passivité de ses hôtes. Brice Hortefeux peut-il tout se permettre ?
Le ministre n’était pourtant pas au Congo-Brazzaville, le 17 octobre, pour vérifier la nécessité de recourir aux tests ADN. Il était venu finaliser un accord de « gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement », le troisième du genre conclu entre la France et un pays africain. Il intervient après celui signé avec le Sénégal le 23 septembre 2006 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et celui qu’il a lui-même paraphé avec le Gabon le 5 juillet dernier. Tous ont été présentés comme « une nouvelle génération d’accords ne se limitant plus aux seuls aspects de circulation ».

L’accord de Brazzaville a donc été conçu selon « une approche globale comprenant les trois volets indissociables que sont l’organisation de la migration légale [], la lutte contre l’immigration illégale [] et le codéveloppement ». Il prévoit pour les hommes d’affaires, les artistes, les intellectuels et les sportifs, la délivrance de visas de court séjour à entrées multiples. Des dispositions particulières sont prévues pour les étudiants et pour l’immigration de travail. Pour les premiers, la France va créer au Congo, en 2008, un espace « Campus France » et leur offrira la possibilité de parfaire leur formation par une première expérience professionnelle dans l’Hexagone. Pour les seconds, âgés de 18 à 35 ans, il leur est accordé, s’ils sont qualifiés, la possibilité de se voir offrir une expérience de travail salarié dans une entreprise pour une période maximale de dix-huit mois. Mais le nombre de professionnels congolais pouvant bénéficier de ces avantages sera limité à 100 par an. Par ailleurs, les travailleurs hautement qualifiés se verront accorder une carte dite « compétence et talents ». Il en sera attribué au maximum 150 par an. L’accord prévoit enfin l’ouverture du marché du travail français à des ressortissants congolais dans quinze filières qui connaissent une pénurie de travailleurs français. Ici, aucun chiffrage n’est précisé.
Tout ce dispositif fait penser à une politique de quotas qui renvoie à la fameuse « immigration choisie ». Et sert de contrepoids aux dispositions relatives aux expulsions pudiquement appelées « réadmission des ressortissants en situation irrégulière ». Ainsi, pour la « carotte » des visas de circulation agrémentée des aides au « codéveloppement » (1,2 million d’euros pour la création de très petites entreprises, par exemple), le Congo devra accepter le retour d’un nombre plus important de ses ressortissants interpellés en France.

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Dans ses grandes lignes, cet accord présente les mêmes dispositions que ceux conclus avec Dakar et Libreville ou encore celui en préparation avec le Bénin. Le schéma type est le même. La France s’engage à faciliter l’obtention des visas à un nombre limité d’Africains qui « participent activement au développement des relations bilatérales » ainsi qu’aux étudiants et travailleurs uvrant dans des filières spécifiques. Moyennant quoi, les gouvernements africains, eux, se tiennent prêts à collaborer dans la lutte contre l’immigration clandestine. Le retour des personnes en situation irrégulière doit être organisé conjointement. Dans « le respect de la dignité et des droits fondamentaux de la personne », bien sûr.

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