Nous, journalistes irakiennes à Bagdad

L’International Women’s Media Foundation, à New York, a décerné, le 23 octobre, l’une de ses médailles du « courage dans le journalisme » à six Irakiennes qui travaillent au bureau de Bagdad de McClatchy Newspapers. Leurs conditions de vie sont si dangere

Publié le 6 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

« Etre journaliste dans le climat de violence qui règne aujourd’hui en Irak n’est pas une tâche facile. À chaque pas que l’on fait, on est en danger, chaque poste de contrôle et chaque question que l’on pose sont une menace directe. Chaque interview que l’on fait pourrait être la dernière. Il se passe tant de choses en Irak. Tant de choses sur lesquelles on s’interroge. Tant de choses que nous, journalistes, nous essayons de comprendre et de décrire aux gens qui veulent savoir.
« Dans toutes les sociétés, il y a du bon et du moins bon. La société obéit à des lois. Mon pays est aujourd’hui un pays sans loi. Le sang des innocents coule chaque jour, apparemment sans raison. Des centaines de milliers de personnes ont été tuées, apparemment sans raison. C’est notre responsabilité de faire le maximum pour trouver les réponses, pour les déterrer avec nos mains nues s’il le faut. Mais ces informations coûtent très cher, car depuis que la guerre a éclaté, en 2003, une moyenne d’un journaliste et d’un assistant sont tués chaque semaine, et nous n’y pouvons rien.

« Nous menons une double vie. Aucun de nos amis ou de nos parents ne sait ce que nous faisons. Mes enfants doivent mentir sur mes occupations. Ils ne peuvent en aucun cas se montrer fiers de ce que je fais, et je ne le peux pas non plus. Chaque matin, quand je pars de chez moi, j’ai le cur gros, car je risque de ne jamais revoir ma maison. Aujourd’hui est peut-être le jour où les yeux d’un ennemi découvriront ce que je suis, une journaliste, et non pas cette dame d’un certain âge un peu perdue qui traverse le fleuve tous les jours pour aller voir ses parents malades. Pas un instant je ne peux baisser la garde. Je souris quand j’embrasse mes enfants qui partent pour l’école. C’est seulement quand ils me tournent le dos que mes yeux se remplissent de larmes, car je sais qu’ils courent autant de risques que moi.
« Alors, pourquoi continuer ? Pourquoi ne pas poser mon stylo et regarder ailleurs ? C’est parce que je suis fatiguée d’être marquée au fer rouge de l’étiquette terroriste, fatiguée que dans mon pays, une vie de plus ou de moins, cela ne compte pas. Ce n’est pas l’avenir dont je rêve pour mes enfants. Ils ne sont pas des terroristes et leurs vies ne sont pas sans aucune valeur. J’ai consacré ma propre vie, et beaucoup, beaucoup plus, à ouvrir une fenêtre à travers laquelle ceux qui dans la communauté internationale ont quelque humanité puissent regarder et nous voir tels que nous sommes – des êtres humains ordinaires avec des aspirations ordinaires – et non tels qu’on nous dépeint.
« Permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de tendre la main. Aidez-nous à faire qu’il y ait un peu plus de compréhension et de sollicitude. Bien que la guerre ait fait peser sa malédiction sur votre pays et sur le mien, il n’est jamais trop tard. »

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