L’heure de vérité

Le 1er janvier 2008, les produits industriels importés de l’Union européenne seront exemptés de droits de douane.

Publié le 6 novembre 2007 Lecture : 4 minutes.

L’économie tunisienne s’apprête à vivre un tournant de son histoire. À compter du 1er janvier 2008, le démantèlement total des droits de douane pour les produits industriels prévu par l’accord d’association signé en 1995 avec l’Union européenne (UE) sera effectif. De ce fait, la Tunisie sera le premier pays à intégrer une zone de libre-échange avec l’UE, son premier partenaire économique (plus de 80 % de ses échanges commerciaux et les deux tiers des investissements directs étrangers réalisés dans le pays). Quelles seront les conséquences de cette ouverture ?
Parce qu’ils ne représentent pas une menace pour l’industrie européenne, les produits tunisiens à l’export bénéficient depuis 1998 de la franchise douanière à leur entrée en Europe. Rien de nouveau donc : le 1er janvier 2008, les entreprises industrielles continueront de bénéficier, comme avant, des opportunités du marché européen (27 pays, 487 millions d’habitants).

En revanche, les produits tunisiens, en particulier ceux fabriqués par les industries créées dans le cadre de la politique de substitution aux importations, perdront la protection dont ils ont, jusque-là, bénéficié grâce aux droits de douane imposés à l’importation de produits européens concurrents. Au moment de la signature de l’accord d’association Tunisie-UE, des experts estimaient qu’une concurrence accrue des importations de marchandises européennes ayant leur équivalent dans le pays entraînerait la disparition d’un tiers des entreprises industrielles tunisiennes. Et la perte de 120 000 emplois. Or, douze ans après, rien ne semble confirmer ces prévisions. À moins de deux mois de l’entrée en vigueur du démantèlement tarifaire, les discours alarmistes ont laissé la place à l’optimisme. Et tout le monde croit en la capacité des industries tunisiennes à supporter le choc d’une concurrence accrue, qu’elle vienne des États membres de l’UE, ou des pays asiatiques, notamment dans le textile. Il faut dire qu’au cours des dix dernières années le secteur a profondément changé de visage. Il s’est modernisé, s’est diversifié avec la montée en puissance des industries mécaniques, électriques et électroniques (Imee). Il a enregistré l’arrivée de nouveaux investisseurs étrangers. Surtout, il est devenu plus compétitif et a gagné des parts de marché importantes à l’export.
En vingt ans, le nombre d’entreprises industrielles comptant dix employés et plus a été multiplié par quatre, passant de 1 233 en 1987 à plus de 5 400 en 2006. Cette même année, la part du secteur industriel représentait 32,6 % du PIB. À elles seules, les industries manufacturières, qui représentent plus de 60 % de la production industrielle, contribuent pour 19 % au PIB. Au cours des dix dernières années, les exportations du secteur industriel ont quadruplé, passant de 2 milliards à 8 milliards d’euros. Leur part dans les exportations totales du pays est passée à 87 % en 2006. Celles de l’habillement (qui représentent plus de 40 % des exportations de biens) ont été multipliées par neuf. Malgré la concurrence accrue des pays asiatiques sur le marché européen consécutive au démantèlement de l’accord multifibre en 2005, le secteur textile connaît une reprise. Aujourd’hui, la Tunisie est le 5e fournisseur mondial des pays européens en habillement. Et, depuis 1999, le premier exportateur industriel en valeur absolue du continent.
Au cours des dix dernières années, les investissements directs étrangers (IDE) dans l’industrie ont été multipliés par plus de sept, passant de 50 millions de DT en 1996 à 347 millions de DT en 2006, privatisations non comprises. À l’heure actuelle, la Tunisie compte 2 200 entreprises à participation étrangère totale ou partielle, en majorité européennes, attirées par la main-d’uvre qualifiée et peu coûteuse, par les infrastructures de transport et de télécommunications, par la sécurité régnant dans le pays et sa qualité de vie, et par sa proximité avec l’Europe (166 vols réguliers par jour et 20 liaisons maritimes quotidiennes). Ces entreprises travaillent principalement en offshore et sont implantées, pour la plupart, le long du littoral, dans la centaine de zones industrielles et dans la dizaine de parcs technologiques en cours de lancement. Passée depuis le milieu des années 1990 du statut d’un pays en développement à celui d’un pays émergent, la Tunisie est aujourd’hui considérée comme une « plate-forme d’opportunités ». Et ce grâce à l’accord d’association signé avec l’UE qui, tout en étant un défi, s’est révélé un stimulant pour l’industrie. Dans la perspective du libre-échange, les autorités et les chefs d’entreprise ont dû retrousser leurs manches.

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À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. Le gouvernement a lancé deux programmes visant à soutenir les sociétés – des PME pour la plupart – durant la transition. Dès 1996, elles ont pu bénéficier d’un programme de mise à niveau (PMN). À la fin de juillet 2007, 2 987 des entreprises industrielles employant vingt personnes et plus (sur un total de 3 667) ont fait appel à ses services. Depuis 2004, le Programme de modernisation industrielle, mis au point avec l’appui de l’UE, qui le finance à hauteur de 50 millions d’euros, apporte l’assistance technique et l’expertise nécessaires dans les domaines de la qualité, de l’innovation, de la normalisation, de la propriété industrielle ou encore de l’accès aux financements. Certaines grandes ou moyennes entreprises en sont à leur troisième ou quatrième programme de modernisation Peut-on pour autant dire que les entreprises implantées dans le pays sont prêtes à intégrer la zone de libre-échange ? Certes, la Tunisie a réalisé des réformes structurelles qui lui ont permis de s’adapter à l’économie de marché. Certes, elle dispose désormais d’une législation proche de celle de l’UE. Certes, elle bénéficie d’une réelle stabilité macroéconomique. Certes, elle se classe 30e dans le classement mondial de la compétitivité établi, pour 2007, par le Forum économique mondial. Mais rien n’est acquis : la concurrence des nouveaux acteurs européens doit être prise au sérieux par les opérateurs tunisiens.

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