La bataille du bled

Sept mois après le traumatisme des législatives, marquées par une abstention record, les électeurs sont appelés à choisir leurs conseillers municipaux et régionaux.

Publié le 6 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Reportées pour cause de ramadan, les élections locales algériennes auront finalement lieu le 29 novembre. Les électeurs sont appelés à renouveler les 1 541 assemblées populaires communales (APC) et les 48 assemblées populaires de wilaya (APW, sorte de conseil général). Le moins que l’on puisse dire est que le scrutin suscite certaines inquiétudes. Administration et pouvoirs publics redoutent en effet un remake des législatives du 17 avril, marquées par une abstention record : seul un électeur sur trois s’était rendu aux urnes. L’éparpillement des voix avait en outre entraîné un éclatement de la représentation nationale (plus de vingt partis sont désormais représentés au Parlement, contre six auparavant) et une forte poussée des candidats indépendants. Bref, la consultation avait confirmé et amplifié le rejet de la classe politique par les électeurs.

Pour éviter la réédition d’un tel scénario, gouvernement et partis se sont mis d’accord pour réformer le code électoral. À peine installé, le nouveau Parlement a imposé de nouvelles conditions d’éligibilité. Désormais, seules les formations ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés lors des élections précédentes sont autorisées à présenter des candidats. Pour être admis à concourir, les indépendants doivent obtenir un nombre de parrainages équivalant à près de 10 % du corps électoral local ! Résultat : aucun ne participera au prochain scrutin. Autre conséquence spectaculaire : sur la centaine de partis agréés par l’administration, seuls neuf pourront participer à la consultation (voir éclairage). Pour la première fois dans l’histoire du pays, aucun ne sera présent dans l’ensemble des communes.
Scrutin de liste à un tour, les municipales du 29 novembre constituent un enjeu majeur. Plus de la moitié des communes sont en effet considérées par les pouvoirs publics comme « indigentes » : l’insuffisance des ressources y est souvent aggravée par une gestion, disons, approximative. Au 31 décembre 2006, le montant global de la dette des APC atteignait 150 milliards de dinars (1,5 milliard d’euros).

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Dans ces conditions, il est permis de se demander pourquoi la fonction de maire fait encore rêver près de 14 000 candidats. Une seule explication : les perspectives ouvertes par la manne pétrolière (plus de 90 milliards de dollars de réserves de change). L’article 78 de la loi de finances 2008 prévoit d’apurer l’ensemble de ces créances par le biais de dotations spéciales inscrites au budget de l’État. Mieux : le ministère de l’Intérieur, que dirige Yazid Zerhouni, prépare une version amendée du code de la commune et de la wilaya. Dans un souci de décentralisation et d’incitation au développement local, les prérogatives des élus devraient être élargies et les budgets des collectivités locales multipliés par dix.
Quoi qu’il en soit, les luttes d’influence font rage dans les appareils de tous les partis. Certains étant manifestement prêts à tout pour figurer en bonne place sur telle ou telle liste, on assiste ici et là à des choses bien étranges : achats de voix, solidarités tribales, contestation des états-majors par la base
L’administration, qui in fine donne le feu vert aux candidats, est en état d’alerte permanent. Une vigilance compréhensible : 450 élus locaux sont actuellement poursuivis pour détournement de deniers publics, passation illicite de marchés, faux et usage de faux et autres délits financiers de gravité variable. Le phénomène n’épargne personne. On trouve parmi les inculpés des nationalistes, des islamistes, des démocrates, des laïcs et même des trotskistes. De nombreuses candidatures ont été écartées par l’administration, et la plupart des recours introduits par les partis auprès des tribunaux ont été rejetés.

Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), de Saïd Sadi, a publiquement dénoncé ces invalidations, qu’il juge « juridiquement irrecevables, politiquement irresponsables et moralement inacceptables ». Réponse cinglante de Zerhouni : toutes les invalidations sont motivées par des considérations strictement légales. Le ministre reproche notamment au RCD d’avoir donné son investiture à des candidats condamnés pour détournement de fonds, violence aggravée, attentat à la pudeur et autres facéties relevant du droit commun. À Djelfa, sur les Hauts Plateaux (à 350 km au sud d’Alger), une liste a été recalée parce qu’y figurait le nom d’une personne décédée. À Sétif, le parti du très laïc Saïd Sadi aurait, toujours selon Zerhouni, présenté deux anciens cadres du Front islamique du salut (FIS), dissous par la justice en mars 1992.
Un scrutin local est censé passionner davantage les électeurs qu’une consultation nationale. Sera-ce le cas le 29 novembre ? On n’en jurerait pas, tant l’Algérien moyen a de plus en plus tendance à considérer qu’un mandat électif est avant tout le moyen de s’enrichir rapidement.

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