(Ir)responsabilité

Publié le 6 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Omar Bongo Ondimba, Denis Sassou Nguesso, Laurent Gbagbo, Blaise Compaoré, François Bozizé, Paul Biya Tous les chefs d’État d’Afrique francophone ou presque ont eu un jour ou l’autre maille à partir avec les ONG et tous considèrent comme emblématique l’affaire de l’Arche de Zoé. Enfin ! Voilà que l’on vient de prendre la main dans le sac l’une de ces empêcheuses de gouverner en rond, dont le « devoir d’ingérence » va jusqu’à l’enlèvement d’enfants ! Pain bénit et aubaine inespérée. Rarement Idriss Déby Itno n’aura été aussi apprécié chez ses pairs qu’en ce moment, et nul doute que les dérapages coupables de cette ONG, que ses consurs traitent aujourd’hui comme une brebis galeuse, serviront pour longtemps aux pouvoirs en place à discréditer le travail des autres. On peut, on doit le regretter tant ces organisations font le plus souvent uvre utile. Mais on peut et on doit aussi avancer quelques questions.

La prolifération des ONG dites de solidarité internationale, très présentes en Afrique, pose en effet un vrai problème de transparence et d’éthique. Évoluant, en ce qui concerne la France, dans le cadre lâche de la loi de 1901 sur les associations, qui limite à rien ou presque le champ d’intervention de l’État (sauf en cas d’activités illégales), elles n’ont aucune obligation d’être enregistrées tant qu’elles n’utilisent pas de compte-chèques et échappent pour la plupart aux vérifications financières a posteriori, même quand elles font appel à l’argent public. Quant à l’éthique, elle repose avant tout sur le jugement des pairs ou celui de collectifs comme la Coordination Sud – lesquels n’ont pas les moyens de procéder à des enquêtes permanentes. Ce vide a d’ailleurs permis aux régimes qu’agace l’ingérence humanitaire d’ébaucher une parade : ils ont créé ou favorisé leurs propres ONG, en partie pour contrer celles du Nord sur leur propre terrain (notamment les droits de l’homme) et en partie pour capter le flux d’aide internationale.

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Parfaite illustration des dérives qu’autorise le pouvoir sans contrôle des ONG, le cas de l’Arche de Zoé renvoie en outre à un contexte précis : celui du drame du Darfour et de son exploitation politique en France, aux États-Unis et ailleurs. Églises évangéliques, néoconservateurs américains, lobbies pro-israéliens, maelström de passions, d’indignations sincères, mais aussi d’arrière-pensées et de manipulations, « bons » Zaghawas contre « mauvais » Arabes : les sources de confusion sont aussi multiples (et dangereuses) que les intervenants. Nul n’a oublié le meeting enfiévré du 20 mars dernier, à Paris, ainsi que les surenchères et les incantations d’intellectuels et d’acteurs de l’humanitaire, dont Bernard Kouchner, à propos du « corridor humanitaire », de l’urgente nécessité d’armer les rebelles, du « premier génocide du XXIe siècle » auquel le candidat Sarkozy a promis de mettre un terme. Comment ne pas comprendre que, dans cette ambiance exacerbée, dramatisée à outrance, où les mots ne comptent plus, où le choc des images et celui des « coups » médiatiques mis en scène au plus haut niveau de l’État tiennent lieu de politique, où tout semble permis, certains illuminés de l’ingérence humanitaire aient voulu rejouer aux « Justes » en enlevant des enfants du Darfour comme on cachait, pendant la Seconde Guerre mondiale, des enfants juifs ? Une chose est sûre : de la jungle des ONG aux exaltations pas toujours naïves des politiciens français, beaucoup d’irresponsabilités mériteraient d’être examinées de près.

* Retrouvez les analyses et les réactions de François Soudan sur son blog « Courrier Sud » (http://soudan.blog.jeuneafrique.com/index.php).

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