Cinquante ans de luttes

Depuis 1987, le code du statut personnel s’est enrichi. Ces acquis risquent toutefois d’être remis en cause par les plus conservateurs.

Publié le 6 novembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Novembre 1987. Zine el-Abidine Ben Ali accède au pouvoir. Déjà des bruits courent. Le code du statut personnel (CSP), promulgué le 13 août 1956 par son prédécesseur Habib Bourguiba, serait révisé. Le nouvel homme fort de la Tunisie envisagerait, disait-on, de revoir certaines lois jugées trop favorables aux femmes. Il se murmure même que la polygamie pourrait être réinstaurée. Mais quatre mois après son arrivée à Carthage, le chef de l’État met un terme aux rumeurs. « Il n’y aura ni remise en cause ni abandon de ce que la Tunisie a pu réaliser au profit de la femme », annonce-t-il le 8 mars 1988. Ben Ali tiendra promesse. Mieux, il s’emploiera même à renforcer la teneur égalitaire du CSP.

La loi du 12 juillet 1993 remplace « l’obligation d’obéissance » de l’épouse à son mari par la notion de « partenariat » et de « devoir réciproque des deux conjoints ». Le mariage du mineur est subordonné au consentement de la mère – alors qu’il était exclusivement du ressort du père – et donne à cette dernière, même en cas de divorce, les mêmes prérogatives de tutelle en ce qui concerne les voyages de l’enfant, ses études et la gestion de ses comptes financiers. En cas de rupture conjugale, si le mari ne s’acquitte pas de la pension alimentaire, un « fonds de garantie » est chargé d’assurer à la femme divorcée le versement du montant de la rente. Dans la foulée, les autorités créent la fonction de « juge de la famille » à qui est dévolue une mission de conciliation.
Une loi votée en 1998, et complétée en 2003, donne à la mère la possibilité d’attribuer son propre nom patronymique à l’enfant abandonné par son père ou né de père inconnu. Auparavant, la filiation de l’enfant né hors mariage était tributaire de la seule volonté du père qui pouvait le reconnaître ou non. Cette loi accorde aussi au couple la possibilité de choisir le régime de la communauté de biens, qui n’existait pas dans le droit tunisien.
La loi du 23 juin 1993 amende, quant à elle, l’article 12 du code de la nationalité en donnant la possibilité aux mères tunisiennes d’accorder leur nationalité à leurs enfants nés de père étranger, une première dans le monde arabe. La même loi fait du lien conjugal une circonstance aggravante en cas de violence physique. Le mari reconnu coupable d’avoir tué sa femme pour adultère risque désormais la peine prévue en cas d’homicide volontaire : l’emprisonnement à vie. Auparavant, le « crime d’honneur » n’était puni que de cinq ans de prison. Enfin, en 2004, un projet de loi sur le harcèlement sexuel est adopté par la Chambre des députés. Un autre permet aux femmes qui le souhaitent de travailler à mi-temps pour les deux tiers du salaire. Reste que l’orientation moderniste de la juridiction n’a pas empêcher les mentalités de reculer, tant l’écart va grandissant entre l’esprit des lois et le comportement de la rue.
De plus en plus de femmes se voilent. Et certaines ne s’offusqueraient pas de voir rétablies des pratiques abolies, comme la polygamie. Devant les universités, des étudiantes prêchent comme des imams, et c’est une juge femme qui vient de casser la loi relative à l’interdiction du hijab dans les institutions scolaires, donnant ainsi gain de cause à une institutrice qui réclamait le droit d’enseigner voilée. Pourquoi un tel recul ? Une militante invoque la réminiscence de vieux réflexes hérités de la société patriarcale : « C’est dans la tête des femmes, elles sont restées dans l’ombre des hommes. » « Les Tunisiennes ont la chance d’avoir des lois qui les défendent, mais elles les refusent ! » regrette une autre.

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C’est dire si certains organismes, comme l’Union nationale de la femme tunisienne, ont encore du pain sur la planche. Cette association, engagée depuis plus d’un demi-siècle dans la lutte pour l’émancipation des femmes et qui avait cru pouvoir réorienter ses activités vers les populations défavorisées, se voit contrainte de s’engager de nouveau dans ses premières luttes. Sa mission : tirer la sonnette d’alarme sur les dangers qui menacent les acquis des Tunisiennes dans toutes les franges de la société. À charge pour le gouvernement de lui venir en aide.

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