Béchir se tire ?

Publié le 6 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Le fondateur de Jeune Afrique, Béchir Ben Yahmed, est-il capable de quitter le cockpit ? Patron de la rédaction, patron des régies publicitaires, patron des éditions, patron des différentes entreprises du Groupe, patron tout court, l’homme longtemps au pull noir à col roulé finira-t-il par se lasser ? En cinquante ans de journalisme, il a inventé tous les genres, goûté à toutes les saveurs, façonné tant de générations, fait et défait tant d’ambitions, observé et souvent inspiré tant d’ascensions aux cieux et descentes aux enfers.
La carrure est exceptionnelle. C’est l’étudiant de HEC Paris qui, au début des années 1950, fascinait sa génération au boulevard Saint-Germain, à bord de sa voiture décapotable, rangée devant Le Flore et Les Deux Magots où s’attablaient les Sartre et Simone de Beauvoir. C’est aussi le jeune militant moussé par Hassen Belkhodja et Mohamed Masmoudi, lors du dernier quart d’heure de la lutte pour l’indépendance. Mais c’est surtout le plus jeune ministre de Bourguiba et de la nouvelle République, chouchouté et promis à un avenir de super-vizir qui claque rapidement, et le premier, la porte. Ce Djerbien, fier et digne, lassé des salons de Tunis, n’acceptant pas la moindre insinuation contre son frère aîné, grand agriculteur du nord de la Tunisie, se détourne des révérences et honneurs factices pour aller fonder son journal de combat : Afrique Action.
Commence alors son chemin de croix, entre Rome et Paris. Rapidement, le sigle BBY s’est forgé au fil des années comme une marque forte qui a tatoué dans l’âme tant de générations. Un sigle beaucoup plus fort que le titre de l’hebdomadaire Jeune Afrique et ceux de toutes les autres publications. Un journal c’est d’abord un patron. Ainsi étaient Beuve-Méry, Lazareff, Prouvost et autres JJSS.
Autour de l’hebdomadaire, vaisseau amiral, les publications naissent et disparaissent, les équipes se font et se défont, les positions idéologiques et les alliances « évoluent », mais Béchir demeure toujours Ben Yahmed. Chaque semaine, il donne le « la » du Continent. À lui seul, c’est l’OUA, la vraie, effective, efficiente. Très discret, dans un mélange de distanciation et de pudeur, se préservant des immersions protocolaires et agapes courtisanes, il promène son intelligence, incisive, sur l’ensemble et livre, par un mot au téléphone ou face à face, mais, le plus souvent, à l’encre verte, son verdict sans appel. Ses billets, retrouvés souvent tôt le matin par ses collaborateurs sur leurs bureaux, s’ils avaient été collectionnés, auraient écrit les meilleurs cours de management du MIT à Boston et de journalisme du Columbia Institute à New York.
Comme beaucoup de ma génération, je lui dois beaucoup. Cela avait commencé par un premier contact direct en juillet 1973 et tout mon parcours en a été, heureusement, déterminé.

* Ce texte a été mis en ligne le 26 octobre sur « Le blog de Taoufik » (http ://blog.prfactory.info)

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