Baltasar et les treize suspects

Publié le 6 novembre 2007 Lecture : 2 minutes.

La coïncidence, si c’en est une, est pour le moins troublante. Une semaine exactement après que le juge français Patrick Ramaël a décidé, en pleine visite d’État de Nicolas Sarkozy au Maroc, de lancer des mandats d’arrêt contre une demi-douzaine de personnalités marocaines dans le cadre de l’affaire Ben Barka (voir pp. 40-41), Baltasar Garzón, son confrère espagnol, a choisi de l’imiter. Le timing est identique (un voyage officiel du prince des Asturies dans le royaume et un autre, prévu pour le 5 novembre et perçu comme une provocation par l’opinion marocaine, du roi Juan Carlos à Ceuta et Melilla), mais le duplicata est mieux fourni que l’original.
Cette fois, ce sont treize responsables ou ex-responsables marocains qui sont poursuivis depuis le 30 octobre par l’Audience nationale, principale instance pénale espagnole. Similitudes frappantes, donc, mais dossiers différents. Garzón agit en effet dans le cadre d’une plainte déposée, il y a un an à Madrid, par plusieurs associations sahraouies pour des « crimes de génocide et de torture » commis au Sahara occidental marocain entre 1975 et 1987. Une plainte qui, à l’origine, comportait pas moins de trente-deux noms, dont ceux, retirés par la suite, des généraux Bennani, Kadiri et Laanegri ; de Driss Basri, l’ancien ministre de l’Intérieur aujourd’hui décédé ; voire de Yassine Mansouri, l’actuel patron de la DGED (services spéciaux), lequel, à l’époque des faits, était collégien (puis étudiant).
En définitive, seuls treize membres des forces de sécurité sont donc concernés par la procédure Garzón. Parmi eux, deux généraux : Hosni Benslimane, l’actuel patron de la gendarmerie, déjà poursuivi par le juge Ramaël, et Abdelkader Lemdouar, en poste au Sahara à la fin des années 1970. Figurent également dans la liste deux anciens hauts cadres du ministère de l’Intérieur, Abdelhafid Ben Hachem (ex-patron de la DGSN) et Abdelaziz Allabouch, qui dirigea la DST pendant les années Basri. Tous font l’objet d’une enquête judiciaire pour avoir, selon le juge d’instruction, pris part à une « action complexe et systématiquement organisée contre des individus sahraouis ».
Certains plaignants ont d’ores et déjà réagi avec satisfaction auprès de médias étrangers, en s’exprimant – la précision est significative – librement depuis Laayoune. Pour le reste, on attend avec intérêt la matérialisation des faits (enlèvements, séquestrations, disparitions, tortures), ainsi que les preuves de la participation des responsables visés par l’enquête à ces crimes. Depuis les audiences tenues au Sahara par l’Instance Équité et Réconciliation, on sait en effet que des exactions ont été commises dans le territoire. Mais aussi que le Maroc de Mohammed VI n’a pas attendu le juge Garzón pour revisiter ce passé-là.

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