Théâtre sans frontières

Rénové et rebaptisé Le Tarmac, l’ancien Tilf de Gabriel Garan accueille la création contemporaine francophone, propose une programmation éclectique et se veut un trait d’union entre les continents.

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Un nouveau théâtre dans le très parisien parc de la Villette ? Oui et non. C’est l’ancien Théâtre international de langue française, le fameux Tilf, créé en 1985 par Gabriel Garan, qui change de nom et de direction. Valérie Baran, la directrice, l’a baptisé Le Tarmac. « Je voulais un nom sonore et étonnant. Pour moi, le tarmac est au coeur d’un aéroport, des pistes d’atterrissage, de décollage et de circulation des avions. Il est lié à un moment très particulier du voyage : lorsque vous êtes arrivé à destination, mais pas encore vraiment dans le pays. » Le Tarmac de la Villette devrait donc nous emmener en voyage, nous faire découvrir d’autres lieux, d’autres moeurs avec, pour fil d’Ariane, la langue française.
Sur ce point, Valérie Baran travaille dans la continuité de son prédécesseur. « Pendant vingt ans, il s’est battu pour la francophonie », explique-t-elle. Mais la carte du « parler français » change. On voit adhérer à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) des pays comme la Roumanie ou la Bulgarie. La Lituanie, la Pologne, la République tchèque en sont membres observateurs. « Je vais défendre cette idée du français, continue Valérie Baran. Les profondes leçons d’humanisme attachées à la langue française par l’histoire, la culture et la tradition sont présentes dans le travail de nombreux artistes et auteurs. Je voudrais montrer le monde sous cet angle. »
Le Tarmac veut donc nous faire réfléchir. On a pu le constater avec les deux spectacles d’ouverture, le 19 juillet dernier. En matinée, le marionnettiste togolais Danayé Kanlanfeï a parlé au jeune public des feux de brousse, de la désertification et de l’exil avec ses Aventures de Zando. L’humour et la légèreté au service de sujets graves. En soirée, c’était au tour du comédien Dieudonné Kabongo de nous livrer le texte délicat de Philippe Blasband : L’Invisible. Dans ce one-man show mis en scène par la Congolaise Astrid Mamina, l’acteur se dédouble pour jouer tour à tour le frère aîné et le cadet, apprenti sorcier. Les deux personnages émigrent en Belgique pour fuir la guerre. Ils arrivent « dans pays en froideur, dans pays en pluie ».
Théâtre engagé ? « Oui, répond sans ambages la directrice. Le théâtre doit être le miroir qui met l’accent sur ce qui se passe dans le monde. Il est une caisse de résonance, suscite l’éveil et dérange. » Lutter contre l’indifférence par le spectacle vivant, voilà un beau credo, à condition de ne pas s’adresser uniquement à l’élite intellectuelle française. Un écueil que Valérie Baran souhaite éviter, mais le pourra-t-elle ? La fréquentation de la salle lors du prochain spectacle devrait nous le dire. Des Espoirs est une création de la chorégraphe burkinabè Irène Tassembédo sur un texte et une mise en scène de la Rwandaise Odile Gakire Katese. « La magnifique force de vie d’Irène Tassembédo devrait ravir notre public. Nous recevons ici des gens de toutes origines et de toutes catégories sociales. C’est la particularité du parc public de la Villette. Des Espoirs est un spectacle dansé, grave mais enthousiasmant. » Deux qualités que l’on prête également à Biokhraphia, une pièce des Libanais Lina Saneh et Rabih Mroué, au programme en octobre.
Dire des choses sérieuses avec humour et simplicité, ne pas créer un « ghetto artistique » où l’on viendrait « voir des Africains faire du théâtre », mais proposer plutôt une ouverture sur le monde francophone auquel appartient le continent africain, voilà l’objectif de ce Tarmac et de sa première saison théâtrale. Il faut l’encourager.

Le Tarmac de la Villette, parc de la Villette, 211, avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris. Renseignements : www.letarmac.fr
Biokhraphia, du 14 au 30 octobre.

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