Serpent, es-tu là ?

Animateur de radio sur Africa N° I, au Gabon, et féru de sciences occultes, Patrick N’guéma N’dong analyse une vingtaine de rêves à partir des croyances locales.

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Voici vingt ans que Patrick N’guéma N’dong anime une émission ésotérique et mystique, L’Aventure mystérieuse, sur Africa N° I. Fort d’un succès qui ne se dément pas, celui que ses auditeurs ont surnommé le « sorcier blanc » vient de publier un premier livre, Rêves de serpent, qui traite de la symbolique liée à ce reptile dans la tradition africaine. D’où lui vient son attrait pour le surnaturel ?
Né en 1957 à Royat, en Auvergne, de mère française et de père gabonais – François N’guéma N’dong fut, de 1975 à 1990, ministre des Mines, de l’Agriculture et des Anciens Combattants au Gabon -, Patrick effectue ses études secondaires au lycée Léon-Mba de Libreville. Après avoir obtenu une licence de lettres à la faculté de Clermont-Ferrand, en France, il part aux États-Unis en 1980, fait un master en littérature comparée à l’Indiana University et étudie, en parallèle, la parapsychologie et l’histoire des religions. Ce qui l’aide à mieux comprendre la voie mystique empruntée par son grand-père, un maître du culte bwiti, dont la mort l’a marqué. Il est âgé de 13 ans quand, avant de s’éteindre, le patriarche demande à le voir et lui souffle sur la tête en lui remettant un coq. Ce geste rituel introduit Patrick dans le cercle des esprits. Il procède à des sacrifices et pratique le rite de Mami Wata. Des plongées nocturnes dans les profondeurs de la mer.
De retour au Gabon, en 1985, Patrick N’guéma N’dong ne trouve aucun poste d’enseignant en lettres. Désoeuvré, il passe ses journées à la maison, jusqu’au jour où un ami lui fait remarquer que sa voix passerait très bien à la radio. Justement, la station Africa N° I recherche de nouveaux animateurs. Test concluant pour Patrick. Il met en boîte L’Aventure mystérieuse. Une émission au concept audacieux, puisqu’elle force les portes de l’interdit. Il imagine une ville, Bangos, qu’il peuple de compagnons aux fulgurances incomparables : Fifian Ribana, le général Mangani Mangwa et le professeur Euthanazief.
Grâce à son talent de conteur, Patrick invente des histoires et des lieux dont il évoque les multiples décors à l’aide de bruitages. Un détail, un rien lui suffisent pour construire un monde imaginaire et y faire évoluer ses personnages. À partir d’un couteau à cran d’arrêt, il donne vie au sorcier Loketo. Pris dans les méandres d’un destin tourmenté, ce dernier finit par jeter son couteau. Mais, prévient-il, quiconque le ramassera sera victime d’un maléfice et condamné à tuer son voisin avec l’arme. Celle-ci erre encore dans les rues de la cité mythique.
Triangle, sa seconde émission diffusée du lundi au vendredi, procède de la même veine. Le journaliste accueille, en direct, marabouts et tradipraticiens. L’animateur et ses invités font l’expérience de la maïeutique, l’accouchement des esprits. Les auditeurs essaient de saisir les messages contenus dans leur quotidien et que guident des forces occultes : djinns, démons, mauvais oeil, etc. Ici, l’esprit cartésien s’efface. Et pas seulement chez les analphabètes. « Si, en Europe, chacun a son médecin et va le consulter au moindre doute, souligne Patrick N’guéma N’dong, en Afrique chacun a son marabout ou son sorcier ! Même avec un doctorat d’État, on s’impose une visite chez l’un ou l’autre pour traquer un mal, chercher le pouvoir, réussir une affaire ou un examen. »
Il existe tout de même une ligne rouge à ne pas franchir. Il faut se garder d’offenser les esprits détenteurs du savoir originel. L’animateur témoigne : « Il arrive qu’un invité me téléphone quelques jours après son passage à l’antenne pour me signaler qu’il est allé trop loin. Cela signifie qu’il a été rappelé à l’ordre. On ne doit pas tout dire. »
Le vendredi, changement de programme. Patrick interprète les rêves. Un exercice fascinant. Et pour cause. Face aux appels et courriers qui lui arrivent à longueur de journée, le sorcier consigne ses trouvailles et ses analyses dans un cahier. Cela a donné un livre : Rêves de serpent. « Dans certaines régions d’Afrique, lorsque les magiciens et tradipraticiens appellent mystiquement l’esprit de quelqu’un, c’est souvent un serpent qui se présente », avance Patrick. Le serpent et l’homme sont donc proches. Lorsqu’elle se mue en image dans le monde onirique, cette face cachée de l’humain « peut aussi bien exprimer le bonheur et la prospérité que le malheur et l’invasion de la sorcellerie ». L’auteur étudie vingt cas et propose des « remèdes » empruntés à la tradition locale. Mais, il faut bien le dire, décrypter le message que véhicule cet animal au corps sinueux et protéiforme relève du casse-tête chinois !

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