Que veulent les sunnites ?

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Le scrutin référendaire pour l’adoption de la nouvelle Constitution irakienne, prévu le 15 octobre, a toutes les chances de ressembler aux élections précédentes, tenues dans les conditions que l’on sait, le 30 janvier 2005 : un vote à huis clos, sans observateurs internationaux, organisé par un gouvernement dont la légitimité s’effrite de jour en jour, et des promesses de large boycottage dans les provinces sunnites du pays. Selon les règles édictées pour la période de transition devant prendre fin le 31 décembre, avec une éventuelle prolongation d’un mois, une commission de rédaction a été instituée au lendemain de l’installation de l’Assemblée nationale provisoire, en avril 2005. Le gouvernement d’Ibrahim al-Jaafari avait eu bien du mal à désigner les 75 personnalités devant la composer. Les sunnites, sous-représentés dans les institutions irakiennes pour cause de boycottage électoral, avaient proposé une liste de 25 noms. Chiites et Kurdes leur tiendront tête, et la Commission de rédaction ne comptera finalement que 15 représentants sunnites. Deux d’entre eux ne finiront jamais le travail : ils ont été assassinés par des inconnus.
Mais les malheurs des sunnites ne se limitent pas à la mort de deux délégués. Selon le règlement intérieur de la Commission, toute décision devait être consensuelle. Mais les points de vue et intérêts de chaque communauté étaient trop divergents pour parvenir à un accord minimal. Le consensus a donc été abandonné au profit d’un vote à la majorité. Après avoir trouvé un terrain d’entente, chiites et Kurdes, qui disposent d’une majorité des deux tiers, ont imposé leur mouture. Les sunnites crient à la trahison et dénoncent le projet de Constitution. Ils reprochent au texte de menacer l’unité territoriale du pays. Pour Ghazi al-Yaouar, ancien président du gouvernement transitoire, aujourd’hui membre du collège présidentiel dirigé par le Kurde Jalal Talabani, « l’option fédéraliste, accordant de larges prérogatives aux autorités provinciales au détriment du pouvoir central à Bagdad est une étape vers l’implosion de l’Irak en trois États ».

Autre pierre d’achoppement : l’identité de l’Irak. La mouture présentée supprime toute référence à l’appartenance du pays aux mondes arabe et islamique. Revendication kurde obtenue à l’arraché par Talabani de ses alliés de circonstance chiites, cet article pourrait faire l’objet d’une concession de dernière minute, pour convaincre les sunnites modérés de participer à l’opération politique. Les Américains souhaiteraient que cette dernière aboutisse le plus rapidement possible, afin de procéder à un début de retrait militaire, devenu une nécessité. Zalman Khalilzad, ambassadeur des États-Unis à Bagdad, tente de convaincre les représentants de cette communauté, et leur assure que les négociations sont toujours ouvertes pour parvenir à un accord définitif. Ce qui relève davantage du voeu pieux que de la Realpolitik.

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Cinq semaines seulement nous séparent d’un scrutin organisé dans un pays où l’administration est paralysée par un chaos quasi général, où l’électeur doit se rendre à pied au bureau de vote et accomplir son devoir civique torse nu pour les hommes et après une fouille au corps pour les femmes. Un pays dont le gouvernement est accusé par la communauté sunnite de protéger les « visiteurs de l’aube » (zouar al-fedjr), nom donné à ces inconnus qui arrivent dans des convois de véhicules de la police ou de la Garde nationale, habillés en uniforme, qui violent les domiciles, interpellent les hommes valides et les exécutent d’une balle dans la tête. Ces vrais-faux policiers seraient des membres des brigades Badr, milice armée de l’Alliance irakienne unifiée, dirigée par Abdelaziz al-Hakim. L’Irak réconcilié et apaisé n’est pas pour demain.

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