Quand les autos brûleront du coton

La nouvelle donne pétrolière remet à l’ordre du jour les énergies de remplacement, dont la compétitivité est nettement améliorée. Le secteur des biocarburants évolue rapidement.

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Mettre de l’huile de coton dans le moteur diesel de son tracteur présente un intérêt grandissant. Surtout si le prix devient compétitif. Ces dernières années, dans le cadre de vastes programmes nationaux d’électrification, les gouvernements africains avaient déjà misé sur le développement des énergies solaire et éolienne. Avec un prix de revient estimé à 6,6 centimes d’euro le kilowattheure (kWh), l’électricité engendrée par le vent soutient la comparaison avec le kWh thermique produit par des centrales au fuel ou au gaz. Le prix de ce dernier, actuellement supérieur à 4 centimes, continue en effet à grimper. Le développement du solaire se heurte en revanche à son coût, presque dix fois supérieur à celui de l’énergie thermique, en raison du prix de revient des cellules photovoltaïques. Mais la baisse est constante, et le kWh solaire devrait devenir compétitif d’ici à dix ans.
Quant à la biomasse-énergie, l’utilisation des plantes comme combustible, elle est déjà le mode privilégié d’énergie de quatre Africains sur dix, sous forme de bois et de charbon de bois. Une utilisation qui demande à devenir plus efficace et moins polluante. La société allemande Choren Industries évalue le prix de revient du kWh produit dans ses centrales thermiques à partir de déchets de bois à 6,5 centimes d’euro. Les biocarburants, dont la production en Afrique est quasiment inexistante, constituent un autre débouché industriel prometteur de la biomasse. Les plantes utilisables se répartissent en deux familles. Celles contenant de l’huile, du type palme, soja, colza ou noix de coco, servent à fabriquer du biodiesel (filière diester). Celles qui contiennent du sucre, comme le blé, la banane ou la betterave, fournissent de l’alcool pour les moteurs à essence (filière éthanol).
Le Brésil, grand pays agricole, a fait la preuve depuis vingt ans de la validité d’une telle démarche et produit 40 % des biocarburants à partir d’alcool de canne à sucre utilisés dans le monde. Grâce à des coûts de production bas et une technologie bien maîtrisée, la rentabilité du biocarburant brésilien est assurée à partir d’un baril de pétrole à 35 dollars. En revanche, en Europe, le point d’équilibre est évalué à 45 dollars le baril de pétrole, d’autant que les experts remettent en question la rentabilité réelle d’une agriculture intensive, très consommatrice en carburant et en engrais. De fait, les pétroliers européens misent plutôt sur la deuxième génération de biocarburants, qui utiliserait les parties ligneuses ou cellulosiques des plantes, comme les résidus agricoles (paille, tiges de maïs…). Plus coûteuse, mais avec un potentiel plus important et moins en compétition avec les usages alimentaires, cette filière pourrait être opérationnelle vers 2010. Son seuil de rentabilité se situe autour de 80 dollars le baril de pétrole.
Les pays en développement, à l’agriculture moins intensive, donc moins consommatrice de pétrole, sont en revanche bien placés pour fabriquer des biocarburants, à l’exemple du Brésil. Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) est ainsi actif sur deux types de zones géographiques : les pays enclavés comme le Burkina, dont le coton peut servir à faire de l’huile, et les îles du Pacifique, qui souhaitent valoriser la noix de coco. Mais, comme le remarque Abigaïl Fallot, économiste au Cirad et spécialiste en biomasse-énergie, « le défi est de construire toute une chaîne de production, avec des techniques agricoles adaptées, un approvisionnement varié, des équipements et une logistique de transports. Nous sommes en train de mettre en place des expériences locales pour en tirer des enseignements, et développer progressivement la filière ». À court terme, l’huile de coton ou de noix de coco pourrait ainsi servir à alimenter en carburant ou en électricité une petite ville.
Quant à la deuxième génération de biocarburants, les experts estiment qu’un bon potentiel existe en Afrique avec les eucalyptus, les pins et les acacias. Signe de cette évolution, l’inauguration prochaine d’une filiale commune entre le pétrolier brésilien Petrobras, spécialiste des biocarburants, et le cotonnier Dagris dans l’État brésilien de Bahia, pour produire du biodiesel. Très présent en Afrique, Dagris envisagerait de favoriser, à partir de 2006, un transfert de technologie du Brésil vers ses implantations africaines, en commençant par le coton du Sénégal et du Burkina. Reste à espérer que l’Afrique tire parti de cette nouvelle énergie pour son développement propre, car les nombreux projets en préparation sont principalement destinés à aider l’Europe à réaliser son objectif d’atteindre 5,75 % de biocarburants dans sa consommation d’énergie totale d’ici à 2010…

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