Niger – Détournements au ministère de la Défense : « L’État fera toute la lumière sur ce qui s’est passé »
Niamey vient de renoncer à se constituer partie civile dans l’une des procédures concernant les fausses factures du ministère de la Défense qui ont fait scandale il y a deux ans. Une décision que le porte-parole du gouvernement a expliquée à « JA ».
L’affaire avait fait l’effet d’une bombe à Niamey. Réalisé à la demande du président Mahamadou Issoufou, un audit révélait en février 2020 l’existence d’un réseau de fausses factures, de surfacturations et de commandes payées mais non livrées d’une ampleur inédite au sein du ministère nigérien de la Défense. Même si le chiffre initial – proprement vertigineux – de 76 milliards de francs CFA (environ 116 millions d’euros) détournés du Trésor public a depuis été ramené après enquête à des proportions moins déraisonnables (12,1 milliards, soit 18,5 millions d’euros), le scandale, deux ans plus tard, demeure pendant devant la justice nigérienne.
Dans ce contexte, dont a hérité le président Mohamed Bazoum, l’ordonnance prise fin décembre par le doyen des juges d’instruction entérinant le renoncement de l’État à se constituer partie civile contre les auteurs présumés de ces malversations – ordonnance confirmée le 3 janvier par un communiqué de l’Agence judiciaire de l’État [AJE], établissement public relevant du ministère des Finances – ne pouvait que susciter des interrogations. Pour le porte-parole du gouvernement et ministre de l’Élevage, Tidjani Idrissa Abdoulkadri, ce désistement n’est en rien synonyme d’impunité. Il s’en explique.
Jeune Afrique : L’État a décidé de retirer sa constitution de partie civile dans l’affaire dite des détournements au ministère de la Défense nationale. Pourquoi ?
Tidjani Idrissa Abdoulkadri : Cette décision a été prise car l’État a récupéré l’intégralité du montant des surfacturations, soit 12,1 milliards de francs CFA. Ce montant a été établi par l’enquête préliminaire de la direction de la police judiciaire qui a entendu toutes les personnes mises en cause.
Mais il faut bien comprendre que l’État ne se retire pas de cette affaire. Depuis l’ouverture d’une instruction, deux procédures se côtoient : l’action civile menée par l’AJE donc, et l’action publique soutenue par le procureur au nom de l’État. Comme cette dernière se poursuit, l’État reste dans le dossier.
Le matériel payé qui n’avait pas été livré a-t-il lui aussi été réceptionné ?
Oui, l’État l’a reçu en intégralité.
Plusieurs personnalités, dont deux anciens ministres de la Défense et deux hommes d’affaires, sont cités dans ce dossier. L’audit de septembre 2019 évoquait l’existence d’un réseau délictueux avec de faux appels d’offres et des détournements de fonds publics. Pensez-vous qu’il soit encore possible de faire la lumière sur ces soupçons ?
Nous sommes tout à fait décidé à ce que la vérité soit dite. L’État est résolu à faire la lumière sur ce qui s’est passé. Laissons le juge d’instruction poursuivre ses investigations.
C’est la première fois, dans ce genre de dossier, que l’État récupère des sommes d’argent détournées
Mohamed Bazoum a fait de la lutte contre la corruption un axe majeur de sa politique. Dans ce contexte, un procès où l’État serait sur les bancs des plaignants n’était-il pas souhaitable, ne serait-ce que pour l’exemple ?
Il n’y a aucun doute sur l’engagement et la détermination du président Bazoum à combattre la corruption et toute autre forme de détournement de deniers publics. À ce jour, plusieurs dossiers de malversations sont sur les bureaux de juges d’instruction.
Dans cette affaire [des détournements au ministère de la Défense, ndlr], l’État a été intégralement payé. Par ailleurs, nous faisions face à une question de droit : la notion de surfacturation n’étant pas considérée comme une infraction dans notre législation, nous prenions le risque d’être débouté. C’est pour cela qu’a été privilégiée l’option de se retirer de l’une des procédures. Mais, je le répète, une action publique est parallèlement en cours. Et l’État sera là jusqu’au terme de celle-ci, qui aboutira à la sanction pénale des auteurs de ces faits, ou d’autres que l’instruction révélerait.
L’exécutif est tenu par le principe de redevabilité, qui est un pilier de la bonne gouvernance sur lequel le président de la République a résolument engagé le gouvernement. Je crois que cette affaire prouve que l’État respecte son engagement de transparence. Cela mérite d’être souligné : c’est la première fois dans ce genre de dossier, et avant qu’il y ait un jugement, que l’État parvient à récupérer des sommes détournées.
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