Pierre-Louis Agondjo

L’avocat gabonais est décédé le 27 août à Libreville.

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Maître Pierre-Louis Agondjo Okawé, grande figure de la vie politique gabonaise, est décédé d’une pneumopathie, samedi 27 août, à Libreville. Il avait 68 ans. Sa disparition est un coup dur pour le Parti gabonais du progrès (PGP), la formation qu’il avait fondée et dirigeait depuis 1990. Derrière l’allure frêle de celui que ses fidèles appelaient tout simplement « Maître », maire de Port-Gentil, la frondeuse capitale économique du pays, entre 2000 et 2003, se cachait un homme tenace et volontaire. Un des rares opposants à avoir toujours refusé de céder aux sirènes du ralliement et de la participation à un « gouvernement d’union ». En 1994, à l’issue des « négociations de Paris », qui avaient réuni pouvoir et opposition pour mettre un terme à la crise post-électorale, pendant lesquelles il avait joué un rôle éminent, il s’était vu proposer le prestigieux ministère de la Justice. Il avait décliné l’offre.
Ce myéné natif d’Omboué, dans la province de l’Ogooué maritime, a été l’un des premiers gabonais diplômés de l’Université française. Après de brillantes études de droit à Lille et à Paris la Sorbonne, couronnées par un doctorat en droit (1967), il décroche le concours du barreau et devient avocat. Il retourne en Afrique pour enseigner, d’abord à Brazzaville (1968), puis à Libreville (1970), au sein de la faculté de droit et de sciences économiques. Très politisé, il participe en tant que défenseur à des procès politiques retentissants, comme l’affaire Mba Germain, un opposant « mystérieusement disparu » au début des années 1970. En 1972, cet activisme politique lui vaut une arrestation et la condamnation à huit ans de travaux forcés. Libéré en 1976, il devient alors doyen de l’université et est élu bâtonnier de l’Ordre des avocats gabonais, poste qu’il occupera jusqu’en 1984. Il a toujours gardé les séquelles physiques de son passage en prison.
Fort du capital de sympathie accumulé pendant les années de règne sans partage du PDG, Me Agondjo s’engouffre dans la brèche du multipartisme, en mars 1990. Il obtient la légalisation du PGP, d’inspiration socialiste, qu’il codirige avec son cousin, le professeur Joseph Redjambé, avant le décès de ce dernier, dans des « circonstances inexpliquées » vraisemblablement victime d’un assassinat politique, en mai de cette année-là. En décembre, Me Agondjo Okawé est élu député de Port-Gentil. Il l’était toujours à l’heure de sa mort. En 1993, il se présente à l’élection présidentielle de décembre, mais ne récolte que 4,7 % des voix.
L’annonce des résultats provoque la colère de l’opposition, qui s’estime flouée. Un gouvernement parallèle, le Haut Conseil de la République (HCR), est formé. En février de l’année suivante, le HCR se transforme en « Haut Conseil de la résistance ». Finalement, le pouvoir entame des pourparlers qui débouchent, en octobre 1994 à Paris, sur un compromis historique : la formation d’un gouvernement d’union nationale sous la houlette de Paulin Obame Nguema. « Me Agondjo Okawé a pris l’initiative de « l’appel à la paix des braves », qui a sans doute évité au pays de sombrer dans la guerre civile, se souvient son ancien collègue et camarade Anaclé Bissiélo, professeur de sociologie à l’université de Libreville. C’est lui qui a mené les négociations de Paris. Il a vécu opposant et est mort opposant, mais c’était un vrai politique. Il a prouvé, dans les moments cruciaux, qu’il savait allier la fermeté idéologique et la fidélité aux principes avec le sens du compromis, car il n’a jamais perdu de vue l’intérêt général. »
Renonçant, pour raisons de santé, à se présenter à la présidentielle de 1998, il apporte son soutien au leader de l’Union du peuple gabonais, Pierre Mamboundou. Pierre-Louis Agondjo Okawé, fatigué, voulait « décrocher » de la politique, mais tenait, auparavant, à introniser un successeur incontesté à la tête de son parti. Il n’en aura pas eu le temps. Ses obsèques seront célébrées à la mi-septembre, lorsque son demi-frère Jean Ping, le ministre des Affaires étrangères, aura achevé de présider l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. En dépit de leurs divergences politiques, les deux hommes, issus de la même mère, étaient restés très proches.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires