Octobre africain à Parme

Depuis trois ans, le poète burkinabè Cléophas Adrien Dioma organise un rendez-vous culturel très suivi dans sa ville d’adoption, au nord de l’Italie.

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Un mois entier consacré à l’Afrique. À Parme, le festival Octobre africain, qui, pour la troisième année consécutive, met en scène les meilleurs artistes africains de la péninsule, commence à faire parler de lui. Pour Cléophas Adrien Dioma, poète burkinabè qui organise ce rendez-vous, il s’agit d’un rêve devenu réalité : « Au début, personne ne croyait à ce projet. » Les représentants de la ville étaient sceptiques, les ressources financières quasi inexistantes.
« Pour que le festival voie le jour, il a fallu se battre dans un pays qui vit l’immigration comme un problème, au lieu d’y voir une chance », explique Dioma. Pourtant, dès sa première édition, la manifestation fait un tabac. Un mois durant, cinéma, littérature, expositions de photos, débats racontent une autre Afrique et s’attachent à en dévoiler les mille visages, histoire de contrer des préjugés encore vivaces. Car l’Italie, qui emploie dans la seule province de Parme 28 000 étrangers, leur concède peu de place dans l’espace socioculturel. Octobre africain est donc une grande première.
« Les organisateurs font partie d’une nouvelle génération d’immigrés africains, une génération pionnière qui ne veut plus que l’on parle à sa place », explique Dioma. Le même élan novateur anime l’association qu’il dirige, Le Réseau. Des travailleurs de nationalités diverses – Burkinabè et Sénégalais, Rwandais et Camerounais, Éthiopiens et Tunisiens – s’y retrouvent. C’est d’ailleurs au cours d’une de ses réunions – initialement conçues pour atténuer le mal du pays – qu’a germé l’idée du festival : « Nous voulions véhiculer et promouvoir une autre image du continent. Non pas celle d’une Afrique ravagée par la guerre et la pauvreté, mais celle d’une Afrique qui lutte contre l’adversité et revendique son droit à l’existence à travers la création artistique », précise Dioma.
Le programme 2005 se veut plus ambitieux que celui des éditions précédentes, malgré un budget limité et quasiment autofinancé. Participeront au cycle de conférences l’ambassadeur du Burkina Faso à Rome, Mamadou Sissoko, le médiateur culturel nigérien, Samuel Uomette, Gadji Mbacké, écrivain sénégalais résidant à Milan, ou encore l’écrivain italo-marocain Khalid Chaouki. Ce dernier, ancien président des Jeunes musulmans d’Italie, vient de publier son premier livre, Salaam Italia ! Il y explique pourquoi il est souhaitable de concilier l’identité musulmane avec les valeurs occidentales et comment y arriver, ce qui lui a valu les menaces d’imams intégristes.
En consacrant des soirées au septième art, les organisateurs du festival veulent promouvoir « un cinéma engagé, indépendant, apte à refléter la diversité, encore méconnue, du continent ». Saint Pierre Yaméogo, le cinéaste burkinabè lauréat du Prix de l’espoir à Cannes pour son film Delwendé (Lève-toi et marche), sera à Parme cette année. Parmi la centaine de réalisateurs invités, le Tunisien Taïeb Louhichi présentera Layla, ma raison, le Bissauguinéen Flora Gomez Les Yeux bleus de Yonta, sa dernière histoire d’amour, et le Burkinabè Dani Kouyaté Keïta, son long-métrage sur l’héritage des griots africains. Les autres soirées offriront au public des expositions de photos inédites sur les communautés africaines en Italie et sur les grands personnages qui ont marqué l’histoire du continent, ainsi que des rendez-vous dédiés aux enfants, à la sculpture, à la peinture et à la musique.
Mais Cléophas Adrien Dioma nourrit de nouvelles ambitions : « Nous souhaitons établir des passerelles avec les autres festivals africains de la péninsule, rayonner dans les autres villes et bénéficier, en contrepartie, de leur soutien et leurs idées. À Crémone, en Lombardie, nous collaborons à la section cinéma du CremonAfrica et nous participons à la Farafina de Modène, qui veut créer un centre culturel interrégional. »
Une heureuse réussite pour cette jeune manifestation et son fondateur, arrivé en Italie il y a sept ans. Son parcours ressemble à celui de nombreux émigrés, tout au moins à son début : il attend une régularisation de son statut à Naples avant de partir chercher un emploi dans les régions industrielles du Nord. Mais pourquoi avoir choisi Parme, cette ville opulente, mais peu ouverte, repliée sur elle-même ? « Dans son équipe de foot jouait un Français d’origine guadeloupéenne, Lilian Thuram. J’ai donc pensé que cela pourrait être une belle destination », déclare-t-il au journaliste britannique Tobias Jones, le premier à lui consacrer un article dans le prestigieux hebdomadaire italien L’Internazionale.
Si ce poète qui, pour vivre, travaille dans l’industrie agroalimentaire, consacre son temps libre à promouvoir les cultures de son continent, ce n’est pas un effet du hasard : « Je n’ai jamais cru à l’intégration, mais au respect de la différence. Mon rêve, c’est que s’impose enfin un discours responsable et courageux sur l’Afrique. »

Festival Octobre africain, du 1er au 29 octobre, à Parme.

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