Mustapha, 24 ans : « À Alger, on a ses repères »

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 2 minutes.

« L’alternative est simple : c’est partir ou mourir. Partir, pour se laver de cette honte qui colle à la peau comme une crasse indélébile… Mourir pour ne plus mentir, ou ne pas devoir se marier pour obéir à une société homophobe. En Algérie, tu ne peux pas construire une véritable relation de couple avec une personne du même sexe.
« Quand on s’est rendu compte, chez moi, que j’aimais un autre garçon, on m’a mis dehors. Mes parents m’ont renié, ainsi que mon frère aîné, très strict sur le chapitre de la religion. J’avais 19 ans. Je me suis retrouvé dans la rue. J’ai arrêté mes études de gestion et j’ai commencé à faire des passes, sans bien réaliser ce qui était en train de m’arriver : je voulais seulement un toit et un lit où dormir quelques heures. Je draguais dans les boîtes ou sur le trottoir.
« Cela dit, j’ai beaucoup appris en me prostituant. J’ai compris combien notre société est hypocrite, avec tous ces « homos refoulés », des hommes mariés qui ont pris le pli de la normalité pour ne pas se faire remarquer. Ils savent qu’on ne va pas leur reprocher quelques petits écarts homosexuels, à condition que ceux-ci restent ponctuels et qu’eux-mêmes se réservent un rôle « actif » qui ménage leur virilité. Il est même de bon ton, dans les milieux branchés de la capitale, d’avoir essayé « ça » ! En revanche, les « passifs » sont traités comme des moins-que-rien. Et ceux qui voudraient vivre une véritable histoire d’amour avec un autre homme, alors, ceux-là, ils ont intérêt à s’exiler avant d’être découverts !
« Sinon, à Alger, ça peut aller : on a ses repères, ses lieux de drague, son café fétiche où le patron est tolérant. À condition d’en changer souvent, sinon on se fait dénoncer et on tombe dans le collimateur de la police.
« Le principal problème reste le sida. Ce sont des clients étrangers qui m’ont fait prendre conscience du danger. Maintenant, sans capote, c’est « pas question ». Et je distribue même des préservatifs aux tapins dans les rues d’Alger, à titre bénévole. Homos ou hétéros ! »

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