Mohammed VI ou Beatrix ?

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

La grande question en ce moment aux Pays-Bas est celle de la double nationalité, plus précisément celle des Marocains. Pour le gouvernement de La Haye, la meilleure façon pour eux de s’intégrer à la société hollandaise est qu’ils se considèrent comme des Néerlandais à part entière, c’est-à-dire qu’ils renoncent à leur nationalité d’origine.
Et c’est là que le bât blesse. En effet, on ne peut pas renoncer à sa nationalité marocaine. Le cas n’est pas prévu par la loi. Par pure provocation, l’écrivain Hafid Bouazza s’est un jour présenté au consulat chérifien pour leur rendre son passeport, puisqu’il se considère à 100 % comme hollandais. Au consulat, on lui a ri au nez et refusé de reprendre son passeport. De toute façon, avec ou sans ce document, aux yeux de la loi marocaine, il reste marocain. Point.
Le cas de Hafid Bouazza est un cas particulier, celui d’un provocateur un peu excentrique. En réalité, aucun Marocain, même en possession d’un passeport néerlandais, ne désire renoncer à ce qui reste finalement son dernier lien concret avec la terre de ses ancêtres. Il y a quelque chose de presque mystique là-dedans.
Les Néerlandais ont des difficultés à comprendre cela parce qu’ils sont eux-mêmes, historiquement, un peuple d’émigrants. Ils se sont installés depuis des siècles aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande. Et là, ils n’ont eu aucun problème à abandonner leur nationalité d’origine pour devenir respectivement Américains ou Canadiens ou Australiens, etc.
Pour les Marocains, outre le problème purement juridique déjà signalé, il y a un autre problème, plus psychologique. Pour le dire crûment, ils n’ont tout simplement pas envie de devenir hollandais. Et ceci pour une raison simple, c’est que les Hollandais eux-mêmes – et ceci n’est pas une critique – n’ont aucun sentiment de fierté d’être ce qu’ils sont. Il n’y a pas de chauvinisme hollandais. Ça n’existe tout simplement pas, sauf une fois tous les quatre ans : si l’équipe nationale arrive à battre l’équipe d’Allemagne, l’ennemi héréditaire, alors oui, les Hollandais sont, pendant quelques heures, un peu fiers d’être ce qu’ils sont. Ce n’est pas suffisant pour nous autres Maghrébins. Nous, on a toujours envie d’être fiers. Quand Aouita ou Morcelli battaient des records du monde, quand el-Guerrouj a accompli son fameux doublé aux jeux Olympiques, on pouvait avoir le ventre vide, mais on était fiers d’être le compatriote de ces héros. On est fiers quand un de nos écrivains entre à l’Académie française, quand des grands metteurs en scène viennent tourner leurs films dans nos déserts. On est fiers de tout et de n’importe quoi. C’est ce qui nous permet de supporter la vie quotidienne. Ça me rappelle le titre d’un livre de l’Égyptien Albert Cossery : Mendiants et orgueilleux. Voilà ce que les autorités néerlandaises n’arrivent pas à comprendre. Pour elles, le passeport n’est qu’un document administratif qui permet de voyager. Pour les Marocains, le passeport, c’est ce qui leur permet de dire : el-Guerrouj, c’est mon cousin, et Ben Barek mon grand-père.
Il y a une solution originale à ce problème : si le gouvernement hollandais continue d’insister pour que les Marocains, surtout ceux de la troisième génération, renoncent à leur nationalité, Rabat pourrait décider, dans un geste spectaculaire, d’accorder la nationalité marocaine à tous les Hollandais. Il suffit d’un décret royal pour faire cela. Le lendemain, tous les Hollandais, même les plus blonds, se réveilleraient avec la double nationalité et le problème se dégonflerait de lui-même. Et puis, la qualité de leur cuisine ne pourrait que s’améliorer…

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