Côte d’Ivoire : le pire n’est jamais sûr !

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Le Conseil de sécurité des Nations unies vient de débattre à nouveau de la Côte d’Ivoire dans un climat d’incertitude absolue sur l’avenir du processus de paix dans ce pays.
Le médiateur Thabo Mbeki, admirable dans sa détermination, reprend courage et reste saisi du dossier avec le soutien de la communauté internationale et d’une partie des protagonistes ivoiriens. Cette situation n’est évidemment pas très confortable. La menace de sanctions, équitables dans leur application, aidera probablement Thabo Mbeki à ramener les uns et les autres à s’accorder sur l’essentiel. Il faut l’espérer. Sinon, le pire est à craindre.
Le pire ? C’est l’éclatement pour longtemps de la Côte d’Ivoire ; le pire, c’est le cocktail d’une armée divisée associée à tous les groupes de violence non contrôlée ; le pire, c’est la misère qui s’étend et dont nous venons d’avoir la preuve à Paris, à l’occasion de ces incendies d’immeubles insalubres où se réfugient des centaines d’Ivoiriens déplacés jusqu’en Europe pour fuir le dénuement et l’insécurité (voir pp. 24-25). Le pire surtout, c’est la deuxième mort de Félix Houphouët-Boigny, de son héritage économique et social – même imparfait – et de son comportement de réconciliateur de toute la nation.
Dans ce sombre tableau et comme il advient souvent dans les situations les plus désespérées, une lueur d’espoir peut éclairer le ciel gris…
J’ai cru entendre que le président du Front populaire ivoirien, répliquant à ceux qui exigent une transition politique après le 30 octobre prochain, a fait remarquer une évidence restée sous le boisseau. Il a rappelé qu’en fait le pays vit une transition depuis l’accord de Marcoussis. En exprimant cette vérité, Pascal Affi N’Guessan donne une chance à une négociation à venir. Et l’on peut alors éviter le pire.
Il convient en effet de revenir aux arguments qui ont prévalu à Marcoussis et permis l’accord qui est le fondement de l’avenir démocratique en Côte d’Ivoire. Le temps est venu pour cela. Car ce que l’on redoutait depuis plusieurs semaines devient aujourd’hui réalité aveuglante : une élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le 30 octobre 2005, n’est absolument pas possible. J’ose avancer qu’elle ne pourra pas non plus se tenir dans six mois ou même plus tard si deux conditions essentielles ne sont pas réunies :
– la maîtrise de l’esprit et des mécanismes de fraude ;
– la garantie de la plus grande sécurité possible pour tous les candidats et pour tous les électeurs.
Ce serait faire preuve de légèreté coupable et de cécité politique épaisse et gravissime si l’on s’aventurait à croire que le peuple ivoirien se trouve aujourd’hui en mesure d’accepter benoîtement que l’un des protagonistes – qu’il réside à Bouaké, Gagnoa ou San Pedro -, s’arroge le contrôle de la machine électorale pour en tirer profit. « Ce mal qui répand la terreur », les Ivoiriens le connaissent. C’est lui qui a fondé la volonté d’écarter des candidats gênants ; de rétrécir les listes électorales et de gérer dans la violence sauvage les rues, les quartiers et les hameaux.
Il se trouve que l’accord de Marcoussis donne la clé pour apaiser les inquiétudes de tous.
Il prescrit de confier la gestion des élections à des structures de consensus et tout d’abord à un Premier ministre de consensus disposant des pouvoirs de l’exécutif afin de gérer la volonté commune d’aller à des élections incontestables auxquelles lui-même n’est pas intéressé.
C’est cela la transition qu’a proposée Marcoussis. C’est cet esprit qui guide aujourd’hui l’Autorité de transition en Mauritanie, dont les membres ne seront eux-mêmes candidats à aucune élection.
Souhaitons que le 30 octobre, quand il faudra sérieusement faire face au danger, on se souvienne de la réplique d’Affi N’Guessan et que l’on en tire toutes les conséquences.
L’Union africaine (UA) ne peut manquer une telle opportunité. C’est elle qui doit faire constater au Conseil de sécurité de l’ONU qu’il faut se rendre à l’évidence d’un mandat présidentiel arrivé à son terme et d’une Assemblée nationale sans existence dès décembre 2005.
L’UA et le Conseil de sécurité doivent pouvoir se saisir du seul accord permettant d’éviter le pire et de le faire appliquer rigoureusement puisqu’il n’écarte personne mais assure l’exigence nécessaire pour des consultations loyales et crédibles.
Voilà une petite « dernière chance » puisque le pire n’est jamais sûr… Il reste malheureusement toujours possible.

* Ancien secrétaire général adjoint des Nations unies.

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