Chant de ruines

Sur fond de guerre Iran-Irak, Janane Jassim Hillawi nous offre un récit palpitant et poignant.

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 2 minutes.

« La place Omm al-Broum est aussi calme qu’un cimetière. » Dès la première phrase, on sait que le livre parlera des morts. De la mort. Dix-sept ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre Iran-Irak, qui a fait plus d’un million de victimes. Janane Jassim Hillawi la ressuscite sous sa plume ardente avec Pays de nuit, premier roman irakien traduit en français, qui raconte cette guerre de tranchées abominable qui dura huit ans.
Le héros du roman, Abdallah, vit à Bassora, ville qui se trouve alors près de la ligne de front et enjeu stratégique entre les deux armées. Étudiant, il est contraint de s’enrôler. Dès le centre d’instruction, il est confronté à la brutalité et à la violence de la dictature militaire. Mais le pire reste à venir : il est plongé dans l’enfer des combats dès 1982. Blessé sur le front, il est ensuite envoyé au Kurdistan pour combattre les rebelles kurdes et communistes, qui le capturent. Contraint de se battre à leurs côtés, il sera à nouveau blessé avant de pouvoir rejoindre enfin sa ville, aussi détruite que lui. Il est en ruines, à l’image de la cité naguère prospère que Janane Jassim Hillawi fait renaître par bribes.
L’auteur, lui-même originaire de Bassora, emmène le lecteur avec la précision d’un tireur d’élite dans chacune de ses ruelles, nous fait pénétrer dans les maisons, sauter des terrasses, admirer le fleuve Chott al-Arab et sa ligne de palmiers. Dans le livre comme à la guerre, les bruits, les odeurs et les paysages de la mort et de la vie s’entrecroisent sans cesse. Avec un sens aiguisé de la description et une écriture généreuse, pleine de surprises, l’auteur fait palpiter les mots au coeur de la tourmente. À travers l’obscurité des âmes, l’avenir parti en fumée et les nuits peuplées de cauchemars, surgissent des moments de grâce : « les soirs qui tombent avec légèreté sur la peau du désert », les étoiles « qui respirent et poussent des soupirs »…
Ce roman de guerre poignant a été écrit entre 1993 et 1998, à l’époque où une littérature de commande glorifiait le régime de Saddam Hussein et où, forcément, les soldats tombaient en martyrs… Exilé en Suède, Janane Jassim Hillawi (49 ans) a publié son livre, en arabe, à Beyrouth, en 2002. Il a aussi publié cinq recueils de nouvelles et trois autres romans qui n’ont pas été traduits en français, mais qui font de lui l’un des chefs de file des romanciers irakiens.

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