Bush, l’Irak et les sondages

En dépit de bons résultats économiques, la cote de popularité du président ne cesse de baisser depuis près d’un an. À cause de la situation militaire, analyse le patron d’un célèbre institut de sondage new-yorkais.

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Deux anciens membres de l’administration américaine (Paul O’Neill, qui fut secrétaire au Trésor en 2001-2002, et Richard Clark, qui siégea au Conseil national de sécurité jusqu’en 2004) en ont apporté la preuve indiscutable : George W. Bush avait formé le dessein d’attaquer l’Irak dès les premiers jours de son premier mandat. Autrement dit, bien avant la tragédie du 11 septembre 2001. Le président et son équipe cherchaient un prétexte pour renverser Saddam Hussein, et les attaques terroristes de New York et de Washington le lui ont offert sur un plateau, en dépit de l’absence d’un quelconque lien entre le très séculier régime irakien et les kamikazes fondamentalistes.
Mais l’opération a sans nul doute servi les intérêts du président, qui est apparu à l’opinion américaine comme un personnage déterminé, un homme qui « pense ce qu’il dit et dit ce qu’il pense ». La guerre qu’il a déclenchée en Irak a imposé dans l’esprit des électeurs l’idée qu’il luttait effectivement contre le terrorisme. Cette conviction a permis au Parti républicain de remporter les élections de la mi-mandat, en 2002, et a contribué à la réélection de Bush, deux ans plus tard.
Aujourd’hui, la guerre en Irak ne joue plus en faveur de ce dernier. Plus de 1 800 soldats américains ont déjà trouvé la mort dans ce pays. Al-Qaïda et ses sous-produits sont parvenus à nouer des liens avec l’opposition irakienne et la multiplication des attaques contre les forces de la coalition ne confirme pas le récent diagnostic du vice-président Dick Cheney selon lequel l’ennemi jetterait « ses derniers feux ».
Un sondage réalisé par mon institut en mars 2003, au début de l’intervention en Irak, faisait apparaître que le soutien de l’opinion tomberait de 45-50 % à 35-40 % dans l’hypothèse où le conflit ferait plusieurs centaines de victimes américaines et plusieurs milliers de victimes civiles irakiennes. Des résultats dont la validité se trouve, deux ans et demi après, entièrement confirmée. J’avais tiré d’un autre sondage réalisé après les attentats du 11 Septembre la conclusion que les Américains restaient largement pris dans une logique post-guerre du Vietnam : ils veulent des guerres victorieuses, bien sûr, mais de courte durée et aussi peu meurtrières que possible pour leurs soldats.
Bush a joué sa présidence et sa légitimité – sur la guerre en Irak. Or le moins que l’on puisse dire est que la situation sur le terrain paraît mal engagée. C’est d’ailleurs la principale raison des mauvais résultats obtenus dans les sondages par le chef de l’exécutif, en dépit d’une série de bonnes nouvelles économiques. On se souvient du mot de James Carville, l’ancien conseiller de Bill Clinton, pour définir l’élément décisif de toute consultation électorale : « C’est l’économie, idiot ! » Le jugement était profondément vrai en 1992, mais il ne l’est pas dans tous les cas. Si, aujourd’hui, l’économie et les marchés financiers ne suscitent pas l’enthousiasme des électeurs, c’est parce que ces derniers ont vu nombre de leurs valeurs morales dilapidées en très peu de temps. Les Américains sont las de cette guerre et ne sont plus que 38 % à approuver la manière dont Bush conduit les opérations. Longtemps, le lien établi entre l’Irak et la guerre contre le terrorisme a contribué à la popularité du président. Désormais, il fragilise dangereusement ses positions. Seule une petite majorité d’électeurs le croit encore capable de gagner la guerre contre le terrorisme – alors qu’ils étaient 66 % dans ce cas en 2004, lors de sa réélection.
Le sort de la présidence Bush est indissolublement lié à la situation en Irak. Le problème est que, ces temps-ci, tout semble aller de travers.

* Président de Zogby International, un institut de sondage indépendant dont le siège est à New York.

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