Barils kazakhs pour ambitions chinoises

Pékin prend le contrôle, via le premier groupe pétrolier du pays, du canadien PetroKaz. Montant du contrat : 4,18 milliards de dollars, le plus gros investissements de l’empire du Milieu à l’international.

Publié le 5 septembre 2005 Lecture : 5 minutes.

« L’expérience est une lanterne accrochée dans le dos qui éclaire le chemin parcouru », aurait dit Confucius. Si l’adage attribué au penseur s’est perpétué jusqu’en ce XXIe siècle dans la culture des Chinois, leur aventure pétrolière à l’international ne fait que commencer. Ce dernier mois d’août les a vus mener deux tentatives d’acquisition, l’une ratée, l’autre réussie, dont ils pourraient tirer de nombreux enseignements… Grâce à quoi, à terme, l’empire du Milieu pourrait bien bouleverser l’échiquier mondial du pétrole. La volonté d’internationalisation des quatre principaux pétroliers chinois, tous propriétés de l’État (voir encadré), n’a rien de surprenant. Car il en faut, du pétrole, pour faire tourner ces usines et éclairer ces bureaux où l’on travaille toujours plus pour créer toujours plus de richesses : la croissance du Produit intérieur brut (PIB) chinois devrait encore tourner autour de 9 % cette année, la même performance pour la troisième année consécutive, après 8 % en 2002. Une soif impossible à étancher avec les seules réserves nationales, qui ne représentent que neuf ans de consommation au rythme actuel.
«L’expérience est une lanterne accrochée dans le dos qui éclaire le chemin parcouru », aurait dit Confucius. Si l’adage attribué au penseur s’est perpétué jusqu’en ce XXIe siècle dans la culture des Chinois, leur aventure pétrolière à l’international ne fait que commencer. Ce dernier mois d’août les a vus mener deux tentatives d’acquisition, l’une ratée, l’autre réussie, dont ils pourraient tirer de nombreux enseignements… Grâce à quoi, à terme, l’empire du Milieu pourrait bien bouleverser l’échiquier mondial du pétrole. La volonté d’internationalisation des quatre principaux pétroliers chinois, tous propriétés de l’État (voir encadré), n’a rien de surprenant. Car il en faut, du pétrole, pour faire tourner ces usines et éclairer ces bureaux où l’on travaille toujours plus pour créer toujours plus de richesses : la croissance du Produit intérieur brut (PIB) chinois devrait encore tourner autour de 9 % cette année, la même performance pour la troisième année consécutive, après 8 % en 2002. Une soif impossible à étancher avec les seules réserves nationales, qui ne représentent que neuf ans de consommation au rythme actuel.
Les pétroliers locaux ont donc entrepris de chasser en terres étrangères. En 2003 et 2004, le premier d’entre eux, China National Petroleum Corporation (CNPC) a signé vingt contrats d’exploration et d’exploitation avec plusieurs pays, dont l’Algérie, la Mauritanie, la Tunisie, le Niger, le Soudan et le Tchad. Il vient de franchir une étape plus importante en prenant le contrôle de PetroKazakhstan, une société canadienne – comme son nom ne l’indique pas. Annoncé le 22 août, ce contrat géant doit encore être validé par les actionnaires de la cible. D’un montant de 4,18 milliards de dollars, il est à ce jour le plus gros investissement chinois à l’international, bien loin devant l’acquisition, pour 1,25 milliard de dollars, de la division PC d’IBM par Lenovo (voir J.A.I. n° 2292).
L’affaire revêt en outre une importance particulière au plan géopolitique. Comme son nom l’indique cette fois, la société canadienne est essentiellement active au Kazakhstan, pays d’Asie centrale situé entre la Chine et la Russie. Et si elle n’ajoute que 1 % ou 2 % de réserves d’or noir à celles de la CNPC, elle dispose de droits d’exploration sur ce territoire prometteur, détenteur de 3,3 % des réserves mondiales, quand la Chine n’en a que 2,3 %. Pour le moment installée au beau milieu du pays, à 1 000 kilomètres de la frontière chinoise, PetroKazakhstan exploite deux champs pétroliers qui produisent 150 000 barils par jour (b/j). Elle possède également deux raffineries et des droits sur un pipeline la reliant vers l’est à la Chine et vers le sud à l’Ouzbékistan, donc indirectement à l’Inde. Enfin, la compagnie canadienne est impliquée dans la construction d’un oléoduc qui la relierait vers l’ouest au pipeline de la mer Caspienne, c’est-à-dire à la Russie. Rien d’étonnant à ce que la compagnie pétrolière russe Lukoil et la société publique indienne Oil and Natural Gas Corp. (ONGC), en partenariat avec le magnat de l’acier Lakshmi Mittal, figurent également parmi les prétendants.
La Chine l’a donc emporté, le géant CNPC offrant en l’espèce une revanche à son compatriote China National Offshore Oil Corp. (Cnooc), troisième pétrolier du pays, qui a dû renoncer à son offre de reprise du groupe américain Unocal. Une affaire symbolique à deux titres. Côté chinois, pour le montant de l’investissement : 18,5 milliards de dollars, soit quatre fois l’offre de CNPC sur PetroKazakhstan. Il est vrai qu’Unocal, présent aux États-Unis et en Asie, possède 1,8 milliard de barils en réserve, soit 4,5 fois plus que PetroKazakhstan. Côté américain, la perspective que le neuvième groupe d’hydrocarbures du pays passe entre des mains étrangères a été accueillie plutôt fraîchement, surtout quand les politiciens ont réalisé qu’Unocal allait tout bonnement devenir propriété de l’État chinois, Cnooc étant publique à 70 %. Inconcevable au pays de l’ultralibéralisme ! Le secteur étant stratégique et l’acquéreur, étranger, le Comité fédéral aux investissements étrangers devait donner son accord. Fin juillet, il a marqué son hostilité en s’autorisant un délai extrêmement long de 141 jours pour statuer. Cnooc a préféré jeter l’éponge, dénonçant « le climat politique ». Unocal fusionnera avec Chevron, le numéro deux américain, dont l’offre était inférieure de 1 milliard de dollars à celle du chinois.
Principal enseignement de cet épisode : Pékin a besoin de pétrole coûte que coûte. Cnooc pouvait payer 1 milliard de plus que Chevron. CNPC payera « cash » les 4,18 milliards de dollars dus aux actionnaires de PetroKazakhstan, ce qui devrait balayer leurs hésitations. La Chine, de son côté, a également bien assimilé la leçon de la mésaventure Unocal. Les autorités ont d’ores et déjà pris les mesures qui devraient permettre à leurs groupes pétroliers d’agir plus librement à l’international, sans être accusés d’être le relais de la mainmise étatique chinoise, comme ce fut le cas pour Cnooc aux États-Unis. Ce ne sont plus les conglomérats eux-mêmes qui agissent en direct mais des filiales ad hoc, cotées en Bourse. Ainsi, CNPC a rétrocédé à la société PetroChina, qu’elle contrôle tout de même à 90 %, la totalité de ses actifs non chinois.
En 2004, la Chine a importé 122 millions de tonnes de pétrole (900 millions de barils), soit 34,8 % de plus que l’année précédente, devenant le deuxième importateur d’or noir dans le monde, certes loin derrière les États-Unis, qui consomment près de 21 millions de barils de pétrole chaque jour, mais désormais devant le Japon. Selon l’Agence internationale de l’énergie (EIA), la consommation de brut dans le pays atteindra 6,75 millions de barils par jour cette année, en hausse de 4,9 % par rapport à l’année précédente. D’après les mêmes spécialistes, les besoins énergétiques chinois pourraient doubler d’ici à 2020. Un formidable appétit qui est en train de changer la donne sur le marché mondial de l’énergie.

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