Trois garçons en liberté

Quand le Camerounais Richard Bona, le Congolais Lokua Kanza et l’Antillais Gérald Toto s’associent pour un album intégrant leurs sensibilités respectives.

Publié le 5 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

Pour les amateurs d’images et de formules faciles, Toto-Bona-Lokua est le type d’album où l’on retrouve « l’Afrique, ses rythmes vibrants, son entrain, sa joie de vivre et de faire de la musique ». Ce disque sorti dans la collection No Format n’est peut-être pas le plus innovant de sa catégorie, mais il marque une rupture dans la logique dominante au sein de l’industrie du disque. Celle qui veut que ne survivent à terme que les artistes jugés rentables avec des disques conçus pour plaire. À terme, la diversité de la création ne devrait plus être qu’un souvenir.
Bonne nouvelle donc que cette collection No Format, liée à Universal Jazz et lancée par Laurent Bizot, qui veut jouer le rôle des disquaires d’il y a une vingtaine d’années. À l’époque, rappelle-t-il, pas besoin du label « Vu à la télé » : on suivait les conseils du vendeur. Et le bouche à oreille fonctionnait. No Format veut renouer avec cette démarche. Ce qui explique qu’aucun des trois albums de la collection n’ait été précédé d’un single comme le veut la pratique commerciale actuelle.
Pari iconoclaste et forcément ambitieux. Trois parcours singuliers, trois voix inspirées de trois univers qui se côtoient, se croisent, avec en commun un repère tenu à distance variable : l’Afrique. Mère de tous les génies, elle est bouillonnante et spontanée pour le bassiste camerounais Richard Bona et le chanteur congolais Lokua Kanza. Terre de mythes et pays de ses ancêtres déportés, elle est dignement assumée par Gérald Toto, l’Antillais de Paris.
Rencontre quelque peu fortuite, raconte Toto, un jour, sur l’initiative de Laurent Bizot. « Il m’a dit, se souvient Lokua, qu’il avait pensé à me mettre sur un projet un peu fou, un album à réaliser, comme ça, avec Richard et Gérald. Ce qui nous a évidemment enchantés. Sans avoir jamais travaillé ensemble, nous nous sommes mis sur le truc, et hop ! »
« Pour ce qui est de Toto, confirme Richard Bona, je ne le connaissais pas et c’est bien la première fois que je joue avec lui. J’avoue en avoir non seulement tiré un grand plaisir, mais aussi avoir énormément appris. » Il poursuit sur la joie qu’il éprouve dans l’exercice de ce métier, où la possibilité lui est donnée de se renouveler sans cesse, de remettre tout le temps en question ses limites.
De garçons apparemment sans histoire, donc, qui donnent impression de vouloir juste se raconter une blague en buvant un coup, un après-midi dans un studio où des sons ondulent dans un ballet de fumée, improvisant au passage des mots, des nuances de grains de voix. Le tout dans la plus grande liberté de ton, de contenu, avec, au bout du compte, des chansons pleines à la fois de jubilation (« Ghana Blues », « Kwamelo », « Seven Beats »), de mélancolie austère (« Lamuka », « Stesuff », « Na ye ») et, parfois, de compassion face aux détresses du monde (« L’Endormie », « Help me »). Des oeuvres nourries de l’utopie d’un monde enchanté « sans orientations esthétiques précises, mais avec une vraie exigence artistique ».
On en est ainsi à se demander pourquoi l’album dure si peu de temps. Frustration énorme qui s’estompe aussitôt, laissant le sentiment d’une indicible délectation. On se demande alors : « À quand la suite ? »

Repères
Album : Toto-Bona-Lokua, 12 titres
Production : Universal Jazz, environ 13,50 euros ; www.noformat.net

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires