Être grand reporter à Bagdad

Publié le 5 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

Anne Barnard et Thanassis Cambanis sont deux journalistes américains qui font équipe dans la vie et dans le travail : ils sont envoyés spéciaux permanents du Boston Globe à Bagdad. Leurs conditions de vie et de travail en disent long sur l’insécurité qui règne dans la capitale irakienne. Elles sont telles que le médiateur du quotidien, Christine Chinlund, a jugé bon de les décrire dans un article repris dans l’International Herald Tribune. Précision : ces deux journalistes chevronnés ne sont pas logés dans « l’autre planète » qu’est la Zone verte, mais dans un hôtel gardé militairement et protégé par un mur de béton, et qui est aussi leur bureau.
Voici, selon les termes mêmes de Christine Chinlund, ce qu’est la vie de journaliste à Bagdad aujourd’hui :
« Vous pouvez être réveillé par l’explosion d’une voiture piégée. Vous commencez votre journée de travail en calculant les risques du reportage que vous voulez faire. De plus en plus, vous évitez de vous éloigner de chez vous. Vous n’utilisez jamais un 4×4 voyant, vous prenez plutôt une vieille conduite intérieure cabossée qui se fond dans la masse. Si vous êtes une femme, vous mettez un foulard. Si vous êtes un homme, vous vous laissez pousser la barbe.
« Vous ne vous attardez nulle part et ne prenez pas de rendez-vous précis, de peur qu’on vous attende pour vous prendre en otage. Vous avez vu trop de vos confrères se faire enlever. Le jour où tout va bien, vous faites un bon reportage sur le terrain. La plupart du temps, vous êtes obligé de vous limiter au briefing officiel et à un petit tour dans quelques quartiers de Bagdad. Votre journée de travail se termine généralement entre 1 heure et 2 heures du matin. »
« Il y a deux mois, raconte Cambanis, je pouvais aller en voiture à Nassiriya et rencontrer tous ceux qui avaient été mêlés à des échauffourées, sans risques de me faire enlever, ou pire. Maintenant, c’est fini. Depuis la mi-mai, nous ne sommes sortis qu’une seule fois de Bagdad. »
Ont-ils peur ? Oui, souvent, mais c’est plus une inquiétude généralisée que des peurs précises – lorsqu’ils sont en voiture sur les grands axes, suivent des résistants, parlent avec des jeunes gens hostiles dans des quartiers éloignés. Si un danger particulier menace, ils peuvent toujours s’éloigner.
Malgré les risques, ni Barnard – qui a « couvert » la Russie post-soviétique et le Pakistan – ni Cambanis – qui a « fait » la Grèce et l’Indonésie – ne veulent renoncer. « Le plus important, dit Cambanis, c’est de donner aux lecteurs une image de ce qu’est la vie en Irak aujourd’hui, comparée à la leur. Je serai heureux si dans un an j’ai écrit une série d’articles où j’aurai fait le portrait des acteurs du drame qui se joue ici : le combattant de l’armée du Mahdi, le fonctionnaire apolitique, l’exilé rentré au pays, le partisan de la résistance. Des papiers où j’explique comment ils voient leur avenir, ce qu’est pour eux la religion, comment ils voient les États-Unis. Essayer de faire comprendre ici et aux États-Unis, c’est notre manière de contribuer au règlement de ce conflit. »

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