Profession : vendeur de scoops

Roi du « journalisme de chéquier », Max Clifford alimente la presse tabloïd britannique en indiscrétions sur la vie privée des célébrités.

Publié le 5 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Il ne fait pas bon avoir un Max Clifford dans son back garden. Surtout lorsqu’on est un homme politique ou une star résidant au pays de la presse à sensation. Car le sexagénaire à la chevelure argentée a « horreur de l’hypocrisie ». Du coup, il dévoile à qui mieux mieux les frasques privées de ces personnalités qui se gargarisent en public de leur bonne conduite.
C’est à lui que l’on doit le scandale qui éclaboussa le gouvernement de John Major au début des années 1990. Une sorte de « sexe, mensonge et téléphone » à la crème anglaise… Le ministre du Patrimoine national, David Mellor avait été pris en flagrant délit de mensonge. Alors qu’il ne savait pas que son téléphone – professionnel – était sur écoute, il confiait à sa maîtresse, une pseudo-actrice, que leur cinq à sept avait été si torride qu’il ne parvenait pas à écrire son discours. Relayé par la presse grâce à Clifford, le débat n’avait pas porté sur la légalité des écoutes téléphoniques, mais sur la relation adultère entre un homme politique et une comédienne… Un sujet beaucoup plus vendeur aux yeux de tabloïds qui n’hésitent pas à débourser une fortune pour un scoop croustillant. Résultat : le ministre démissionna.
Autre coup de Clifford : la condamnation à quatre ans de prison du flamboyant romancier conservateur, Lord Jeffrey Archer. L’homme avait nié en 1999 avoir fréquenté une prostituée treize ans plus tôt. Le mensonge se paie cher en Grande-Bretagne.
Après avoir été l’agent d’un groupe de Liverpool inconnu à l’époque, les Beatles, puis d’autres artistes pour le compte du groupe d’édition musicale EMI, Max Clifford renifla à plein nez la manne financière qui s’ouvrait. Parallèlement à son activité d’impresario, qui « occupe 80 % de son temps » affirme-t-il, l’homme excelle aujourd’hui dans le « journalisme de chéquier ». Autrement dit, il se fait l’intermédiaire entre tous ceux qui veulent monnayer leurs indiscrétions auprès des médias.
Un des derniers scoops dénichés par Clifford et ses huit assistantes : les révélations de la secrétaire de David Beckham sur sa liaison supposée avec le capitaine de l’équipe de football d’Angleterre. La jeune femme de 26 ans appelle le bureau de la Max Clifford Associates, situé au coeur de Londres, un jour de janvier. Elle se dit désemparée face à la horde de reporters qui exigent une confirmation des rumeurs sur sa love affair avec Beckham. De sa voix posée, presque charmeuse, Clifford lui explique que deux solutions s’offrent à elle : soit elle refuse de coopérer avec les journalistes, soit elle confirme l’accusation, auquel cas il se fait fort de soutirer un gros chèque à des journalistes prêts à tout pour décrocher l’exclusivité. Rebecca Loos est tentée par le pactole que fait miroiter Clifford. Le marché est conclu. Oralement, car Clifford ne signe jamais de contrat écrit. « Tout est fondé sur la confiance », précise-t-il avec un grand sourire.
Trois mois plus tard, le scandale « Beckham » fait la une de News of the World, l’hebdomadaire de Rupert Murdoch qui tire à quatre millions d’exemplaires. La jeune femme, qui a vendu son histoire à d’autres médias, a empoché 1 million d’euros au total. Quant à Max Clifford, il s’est réservé une commission de 20 %. Une éditorialiste n’a pas hésité à le qualifier de « Méphistophélès des temps modernes », un monstre qui invite les gens à vendre leur âme. L’intéressé balaie ces critiques d’un revers de manche de son costume trois-pièces. « Mon métier, c’est d’abord les relations publiques », insiste-t-il en glissant au passage qu’il consacre une partie de sa fortune aux oeuvres caritatives. Il reconnaît toutefois que le pouvoir des médias britanniques est immense : ils peuvent faire ou défaire une réputation en un seul tirage. « Mais c’est ce que les gens demandent », se défend-il.

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