Mba Abessole Premier ministre ?
L’ex-principal opposant devenu l’allié fidèle du chef de l’État pourrait diriger sa campagne présidentielle de décembre 2005. Un tremplin vers la primature.
Paul Mba Abessole s’y voit déjà. Soutenu par son parti, le Rassemblement pour le Gabon (RPG), l’ex-opposant historique aujourd’hui rallié à Omar Bongo Ondimba se positionne dans la course à la primature. Le 26 juin, ses partisans l’ont choisi pour diriger la campagne électorale du chef de l’État pour la présidentielle de décembre 2005. Lui-même a aussitôt proposé ses services à l’hôte du palais du Bord-de-Mer… qui ne les a pas refusés. Et comme il est déjà arrivé que celui qui hérite de la charge de faire réélire le « Boss » soit récompensé par le fauteuil de Premier ministre, Libreville imagine déjà son ex-maire à la tête du gouvernement. Une perspective qui recueille d’ailleurs les suffrages d’une bonne partie de l’opinion.
L’idée de l’intronisation de Paul Mba Abessole a été lancée par le Mouvement des enfants de Bongo, une association animée par l’avocat Jean-Paul Moubembe, un proche du chef de l’État. Elle-même s’inspire du Mouvement des amis de Bongo, créé en 1998 par le président du Sénat, Georges Rawiri, pour soutenir le candidat sortant. Organisateur du meeting du 26 juin place de l’Indépendance à Libreville, Moubembe a donc proposé le nom de Mba Abessole pour orchestrer la campagne présidentielle. Le leader du RPG s’est empressé d’accepter, et les participants ont alors décidé de marcher jusqu’au Palais pour faire part de leur décision au principal intéressé. Interpellé par l’agitation régnant sous ses fenêtres, Omar Bongo Ondimba est descendu à leur rencontre pour leur répondre prudemment : « Mba Abessole, pourquoi pas ? » Non sans rappeler à ses interlocuteurs que le scrutin n’était pas pour demain.
Présentée comme inopinée, cette rencontre semble toutefois avoir été mûrement réfléchie. Difficile de croire que le hasard a joué un rôle dans cet échange qui s’est déroulé en présence du vice-président de la République, de deux des vice-Premiers ministres, du secrétaire général du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) et de plusieurs proches collaborateurs du chef de l’État. On a d’ailleurs, dès le lendemain, vu fleurir dans la capitale des tee-shirts frappés du slogan « Bongo Ondimba-Mba Abessole : la paix et la convivialité pour le Gabon ». Tout un programme.
Pour les militants du RPG, l’affaire est entendue : l’ex-ecclésiastique reconverti au « bongoïsme » sera naturellement le successeur de l’actuel locataire de la primature, Jean-François Ntoutoume-Emane. Mais parmi les proches d’Omar Bongo Ondimba, on est beaucoup plus circonspect : « Le président n’est pas du genre à se faire dicter ses choix. D’ailleurs, il n’a pas répondu par l’affirmative à cette proposition. Et s’il est possible que Mba Abessole soit retenu comme directeur de campagne, sa nomination au poste de Premier ministre n’est pas jouée d’avance. » Les parlementaires du PDG se sont réunis dès le 28 juin pour analyser la situation, voire pour exprimer leur mécontentement : « Il est difficile pour le parti majoritaire d’être mis devant le fait accompli », explique l’un des caciques du PDG, qui juge la démarche de Mba Abessole un peu prématurée. Parmi les fidèles du président, on a du mal à admettre que ces ralliés de la dernière heure, qui ont critiqué le régime pendant quinze ans, soient récompensés en héritant des meilleurs postes.
Il est vrai qu’à force de vanter les mérites de « l’opposition conviviale » le chef du RPG a bel et bien fini par mettre son drapeau dans sa poche et rejoindre la majorité. Après avoir été le pourfendeur numéro un du régime, il est aujourd’hui vice-Premier ministre en charge de l’Agriculture, de l’Élevage et du Développement rural. Sans oublier, cerise sur le gâteau, le portefeuille des Droits de l’homme.
Né le 9 octobre 1939 dans l’Estuaire (région de Libreville), Paul Mba Abessole, prêtre de la congrégation du Saint-Esprit, a exercé son ministère de 1968 à 1976 au Gabon, avant de partir en France pour suivre des études de théologie, de sciences religieuses et de linguistique. Son séjour parisien se transforme en exil lorsque, en 1982, il quitte les ordres pour entrer en politique. Il prend alors la tête du Mouvement de redressement national (Morena), qui deviendra plus tard le Rassemblement national des Bûcherons (RNB). En 1989, il accepte de rentrer au pays et participe à la Conférence nationale, mais refuse d’entrer au gouvernement. Candidat à la présidentielle de décembre 1993, il arrive deuxième derrière le chef de l’État sortant, avec 26,5 % des voix. Aux municipales de 1996, il devient maire de Libreville. Mais à la présidentielle de 1998, il n’arrive qu’en troisième position.
À partir de cette date, celui qui promettait de chasser le chef de l’État du pouvoir se fait l’avocat d’une opposition qui n’exclut pas une certaine collaboration avec le régime… À l’arrivée, en janvier 2002, il se retrouve dans le gouvernement que dirige son rival de l’Estuaire, Jean-François Ntoutoume Emane. Cette « intelligence avec l’ennemi » provoquera du reste une scission au sein du RNB, devenu aujourd’hui RNB-RPG, et l’amène à pousser plus loin son ralliement : en 2003, il renonce à briguer un nouveau mandat à l’hôtel de ville, facilitant ainsi l’élection du candidat PDG, l’ancien ministre André-Dieudonné Berre. Et le 22 avril, lors de son IXe Congrès extraordinaire, le RPG renonce définitivement à l’affrontement avec le pouvoir. Par un « oui » massif des militants, mandat est donné à leur chef de file de signer la Charte de la majorité présidentielle. Laquelle, en son article 18, fait du chef de la majorité son candidat naturel à l’élection présidentielle de décembre 2005. En clair, le RPG se range sous la bannière d’Omar Bongo Ondimba.
Le chef de l’État peut alors déclarer, le 23 avril : « Le RPG est membre à part entière de la majorité présidentielle et, à ce titre, il est sur un pied d’égalité avec toutes les autres formations politiques qui composent ce camp. » Message reçu cinq sur cinq par Mba Abessole, qui, comme s’il attendait aujourd’hui le renvoi d’ascenseur, ne cache pas ses attentes : une plus grande représentation dans l’équipe au pouvoir et dans la haute administration. Mais aussi, selon une règle non écrite, le poste de Premier ministre qui revient généralement à un Fang de l’Estuaire. Comme lui. Si, bien sûr, le président Bongo Ondimba en décide ainsi.
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