Le Mozambique craint pour ses câbles
Que les Mozambicains vendent avec succès casseroles et autres ustensiles en aluminium à leurs voisins du Swaziland et de l’Afrique du Sud n’a, a priori, rien d’étrange. Sauf que le Mozambique exporte l’intégralité de la production d’aluminium de son unique usine, et n’en importe pas par ailleurs. « Où les fabricants trouvent cet aluminium ? Mystère… » ironise Isais Rabeca, directrice des opérations régionales chez EDM, l’entreprise nationale d’électricité.
Il suffit pourtant de se promener aux alentours du bidonville du 7-Septembre pour trouver un début d’explication. Ici, en pleine campagne, au mois de février dernier, des voleurs ont décroché quatre lignes électriques de leurs poteaux en bois et ont dénudé plus de 55 kilomètres de câbles pour récupérer l’aluminium. Ce n’était pas la première fois. « C’est l’incident le plus important et le plus récent, mais le vol de câbles a atteint des proportions alarmantes », explique Isais Rabeca. Dans son district, les pertes liées à ces délits se sont élevées cette année à 250 000 dollars.
En Afrique du Sud, la compagnie d’électricité Eskom estime à 2,8 millions de dollars les pertes qu’elles a subies de janvier à avril, pour les mêmes raisons. C’est trois fois plus qu’en 2001, et les compagnies ferroviaires et téléphoniques connaissent le même genre de dégâts. Le coût de remplacement des câbles volés reste le moins lourd, comparé aux conséquences des coupes brutales d’électricité, d’interruption du trafic et de retards de train. Pis encore, le temps que les employés perdent à remettre en place les lignes électriques retarde le développement du réseau et le raccordement des villages. Metrorail, le service de transport sud-africain, emploie désormais 2 500 personnes pour lutter contre le vol de câbles. En 2001, la station de Pretoria avait brûlé à cause de ces exactions, et les réparations avaient coûté 2,3 millions de dollars. Au Mozambique, environ 90 % du réseau électrique a dû être remplacé par des câbles moins chers et moins performants. « Avant, les voleurs s’intéressaient au cuivre. Mais maintenant qu’il n’y en a plus, ils se tournent vers l’aluminium », explique Rabeca. Car la pauvreté est la cause principale des vols. La plupart des voleurs ne s’emparent que de quelques dizaines de mètres, souvent au péril de leur vie, pour nourrir leurs familles. Mais ils dépendent de réseaux criminels, qui ont fait du trafic d’aluminium un commerce juteux. Les entreprises ont beau lutter contre les voleurs et protéger les lignes à haute tension, les voleurs visent surtout les zones rurales éloignées, difficiles d’accès. Du coup, les délits restent la plupart du temps impunis.
Chez EDM, la lassitude avait amené les dirigeants à annoncer que la compagnie d’électricité ne paierait pas les 150 000 dollars nécessaires au remplacement des câbles détruits en février. Depuis, ils sont revenus sur ces déclarations et veulent reconstruire les lignes, mais il reste un problème : « Il n’y a plus de câbles en stock, reconnaît Rabeca. Nous attendons l’argent pour pouvoir en racheter ».
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