L’effet Michael Moore

Publié le 5 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

La programmation aux États-Unis de Fahrenheit 9/11, le film-pamphlet anti-Bush de Michael Moore, n’était pas attendue pour des raisons cinématographiques. Certes, la Palme d’or obtenue par ce documentaire au Festival de Cannes justifiait que l’on s’intéressât aux réactions du premier public non professionnel. A fortiori quand ce public est le plus concerné par le sujet. Mais l’enjeu de cette sortie était évidemment avant tout politique.
Le film du turbulent cinéaste peut-il influencer le résultat de la présidentielle américaine de novembre ? Voilà la question que tout le monde se posait depuis que les critiques ont pu voir cet efficace plaidoyer pour le non-renouvellement du mandat du locataire actuel de la Maison Blanche. Ce documentaire, jamais ennuyeux et souvent drôle, dresse en effet un portrait peu flatteur de Bush et de ses conseillers, parfois ridiculisés pour leur incompétence, le plus souvent présentés comme des menteurs, des illuminés et des va-t-en-guerre irresponsables et dangereux. Mais il dénonce aussi, témoignages et documents à l’appui, la collusion entre la famille Bush, Georges W. compris, et les milieux d’affaires les plus cyniques. Il accuse même le président de favoriser son entourage par le biais de bonnes affaires réalisées avec des Saoudiens – dont la famille Ben Laden – puis, depuis la fin de la guerre contre le régime de Saddam, avec des entreprises américaines présentes en Irak.
De quoi dissuader certains électeurs de voter Bush ? Une bonne partie des commentateurs pensaient jusqu’ici que c’était peu probable : un tel film ne pouvait séduire que les convaincus. Les premiers résultats de Fahrenheit 9/11 ont obligé les sceptiques à réviser leur jugement. Avec près d’un million de spectateurs pour son premier jour d’exploitation fin juin, le long-métrage a pris la tête du box-office, générant plus de 7 millions de dollars de recettes en vingt-quatre heures. Et le succès, depuis, ne se dément pas, le bouche à oreille jouant un rôle positif pour la carrière de ce documentaire, qui, cas des plus rare, est applaudi à chaque séance. Le succès appelant le succès, on peut imaginer que le film touchera des spectateurs de toutes origines et de toutes opinions.
Ceux qui voulaient déjà voter et faire voter « démocrate » sont donc ravis de voir leurs arguments exposés par tous les médias qui ne cessent d’évoquer le contenu de Fahrenheit 9/11. Et ceux qui ont tout fait pour limiter son triomphe public et gêner sa distribution, comme l’influent groupe conservateur Move America Forward, qui a demandé aux exploitants de le boycotter, n’ont fait que contribuer un peu plus à focaliser l’attention sur ce qu’on peut reprocher à leur candidat : on ne tente pas de faire censurer un film si ce qu’il dit n’a pas d’intérêt. Comment ne pas être enclin à aller voir de quoi parle Moore quand on entend Bush père le traiter publiquement de « gros dégueulasse » (« slimeball »), mais s’abstenir de répondre aux faits qu’expose son film – tous vérifiés avant la première projection à la fois par des avocats et par toute une équipe de journalistes spécialistes ?
Alors qu’à en croire les sondages la crédibilité de Bush paraît de plus en plus atteinte par la tournure que prend l’affaire irakienne, Fahrenheit 9/11 peut donc jouer un rôle pour conforter une telle évolution de l’opinion. Et si la prochaine élection devait se jouer, comme il y a quatre ans, à peu de voix, mais cette fois au détriment des républicains, on pourrait alors penser que l’effet Moore aura été non négligeable. À suivre, donc.

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