Meilleurs vœux, monsieur G.
Après le coup de gueule de Maître Gims ordonnant à ses « frères » musulmans de s’abstenir de lui souhaiter une bonne année, il est sans doute utile de rappeler à l’artiste d’origine congolaise que présenter ses vœux est aussi un geste de tolérance envers les autres.
J’ai une confession douloureuse à faire. Il y a encore une semaine, j’ignorais qui était monsieur Gims – il paraît qu’il faut dire : Maître Gims. Pardonnez mon ignorance abyssale. Mea culpa, mea maxima culpa ! Mais je me console et m’absous en me disant que lui non plus ne me connaît pas et qu’ainsi nous sommes quittes.
Zèle des nouveaux convertis
J’ai appris l’existence de ce musicien talentueux parce qu’une amie – une fan du maître – m’a dit hier qu’il avait récemment demandé qu’on ne lui souhaite pas la bonne année. Pourquoi ? Parce que ce serait contraire aux préceptes de l’islam, auquel il s’est converti en 2004. « Peste, commenta N., du zèle des nouveaux convertis ! »
Intrigué, j’appris que monsieur Gims était d’origine congolaise et qu’il s’était installé au Maroc, plus précisément à Marrakech ; tant qu’à faire, effectivement, autant installer ses pénates dans la plus belle ville du Royaume. Bienvenue, cher monsieur, vous êtes chez vous chez nous, et vous nous faites honneur en devenant notre concitoyen.
Puis-je alors me permettre, en tant que concitoyen fraîchement averti de votre être et de votre art, de vous chercher querelle au sujet de votre dernière sortie?
L’islam, ça n’existe pas en général, il n’y en a que des variantes locales. Savez-vous que la nôtre n’est pas celle des talibans (chez qui votre musique est interdite), ni celle des wahabites, ni celle du pays Youtube ? Certes, nous avons aussi, hélas, notre lot de fanatiques et d’abrutis dangereux qui croient que la religion est un permis d’emm…er son prochain, qui ont juré d’extirper de la vie jusqu’à la dernière étincelle de joie, pour qui l’amour, le plaisir et le bonheur sont des gros mots ; mais heureusement, ceux-là ne constituent qu’une minorité.
On souhaite assegas amegaz aux Amazighs, shana tova à nos concitoyens de confession juive, bonne année ou sana sa’ida à tous
Notre islam, depuis longtemps, est une religion populaire portée par des confréries où l’on chante, où l’on danse, où l’on fait la fête. Allez donc visiter un des moussems qui s’y déroulent. Par ailleurs, notre Constitution, adoptée par 98% des votants en 2011, évoque les composantes du peuple marocain : amazigh, arabe, juive, sahraouie. Alors on souhaite assegas amegaz aux Amazighs, shana tova à nos concitoyens de confession juive, bonne année ou sana sa’ida à tout le monde – puisque que c’est l’année calendaire.
Quant au sapin de Noël, on peut comprendre que cela puisse déconcerter mais, après tout, c’est pour fêter la naissance de Jésus qui est aussi – je ne vous apprends rien – un prophète de l’islam.
Vous dénoncez Thanksgiving. Je vous rejoins, mais pas pour des raisons religieuses : c’est parce que je n’aime pas les sorcières ; et aussi parce que cette fête a été importée d’Amérique en Europe pour des raisons bassement commerciales. Mais bon, si ça leur chante…
Bûche, couscous, galette…
N’oubliez pas non plus que toutes ces fêtes ne sont pas dirigées contre une prétendue religion pure : selon ma consœur Z., elles sont surtout prétexte à se réunir entre amis ou en famille pour manger joyeusement – une bûche à Noël, une moufleta à la mimouna des Juifs marocains, un couscous au yennayer des Amazighs, une galette (miam, miam…) à l’épiphanie… Et tant mieux, ajoute Z., si au Maroc on fête quatre fois le nouvel an. C’est aussi une preuve de tolérance et de convivencia, comme on disait en Andalousie.
Votre oukase, cher concitoyen, me désole. Permettez-moi de passer outre, comme les caravaniers dans le désert, et de vous souhaiter une bonne et heureuse année 2022. Dès que cela sera possible, je viendrai assister à un de vos concerts à Marrakech ou ailleurs, pour fêter quelque anniversaire.
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