« Je ne signerai qu’en présence de mes avocats »

Publié le 5 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Voici de larges extraits de l’audition de Saddam Hussein par le juge chargé de l’instruction du procès, Raed Djouhi.

Le juge : Votre nom ?
Saddam Hussein : Hussein Majid, président de la République d’Irak.
– Votre date de naissance ?
– 1937.
– Profession ? Ancien président de la République d’Irak ?
– Non. Actuel. C’est la volonté du peuple.
– Chef du parti Baas, aujourd’hui dissous. Ancien commandant et chef de l’armée. Résidant en Irak. Le nom de votre mère ?
– Sobha. Et vous, vous ne vous présentez pas ?
– Monsieur Saddam, je suis juge à la Cour suprême d’Irak, chargé de l’instruction.
– […] Quelle résolution, quelle loi sont à l’origine de la création de cette cour ?
– [Réponse inaudible].
– Oh, les forces de la coalition ? […] Vous représentez donc les forces d’occupation ?
– Non, je suis un Irakien représentant l’Irak.
– Mais vous êtes…
– J’ai été nommé par décret présidentiel sous le régime précédent.
– Ainsi, vous répétez que chaque Irakien devrait respecter la loi. Or la loi instituée auparavant représente la volonté du peuple, n’est-ce pas ?
– Oui, si Dieu le veut.
– Vous ne devriez donc pas travailler sous la juridiction des forces de la coalition.
– C’est un point important. Je suis un juge. Sous l’ancien régime, je respectais les juges. Je reprends et je poursuis mon travail.
– Alors s’il vous plaît, laissez-moi. […] Je ne complique pas les choses. Êtes-vous juge ? Vous êtes un juge ? Les juges ont de l’estime pour la loi. Et ils décident en fonction de la loi, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? Le droit est quelque chose de relatif. Pour nous, le droit est un héritage du Coran, la charia, n’est-ce pas ? Je ne parle pas de Saddam Hussein, qu’il soit citoyen ou dans une autre position. Je ne me réfère pas à mon poste, mais au respect de la volonté du peuple qui a choisi Saddam Hussein comme chef de la révolution. Donc, quand je dis « président de la République d’Irak », ce n’est pas une formalité ou une fixation sur un titre, mais une façon de répéter au peuple irakien que je respecte sa volonté.
– S’il y a des preuves, alors j’en référerai à la cour.
– Expliquez-moi quelque chose. Qui est accusé ? Quand un accusé est convoqué devant une cour, il doit d’abord y avoir eu une enquête.
– J’enquête et je vous interroge. « Président » est une profession, un titre de fondé de pouvoir de la société. C’est la vérité. Mais au départ, de fait, c’est un citoyen. Et selon la Constitution, tout citoyen qui viole une loi doit en répondre devant la justice. Et cette loi, vous la connaissez bien mieux que moi. Voici les charges : un, massacre prémédité à l’aide d’armes chimiques à Halabja.
– Non.
– Deux, massacre prémédité d’un grand nombre d’Irakiens en 1983. Trois, massacre prémédité de membres de partis politiques sans procès. Quatre, massacre prémédité de nombreux religieux irakiens. Cinq, massacre prémédité d’Irakiens à Anfal sans preuves contre eux. [Détails de la sixième charge inaudibles]. La septième charge porte contre Saddam Hussein en tant que président de la République et commandant en chef de l’armée. Qui a envahi le Koweït.
– Même si ce n’était pas une invasion ? Est-ce que la loi s’applique à Saddam Hussein parce qu’il défend l’Irak ? [Saddam fait référence aux Koweïtiens sous le terme de « chiens »].
– Vous êtes auditionné dans un cadre légal et nous n’accepterons pas que vous parliez de manière irrespectueuse à la cour.
– Il est donc formellement possible d’accuser un titre officiel [sic] ? Et de traiter ladite personne en violation des garanties que lui offre la Constitution ? Telle est la loi dont vous usez contre moi.
– Je voudrais que vous signiez officiellement ces documents, et cela sera enregistré. Répondez à ces charges. C’est une enquête. Répondez. […]
– Alors permettez-moi, s’il vous plaît, de ne rien signer tant que mes avocats ne sont pas là.
– D’accord. Mais c’est votre [inaudible].
– Je parle en mon nom.
– Oui, en tant que citoyen vous avez le droit. Mais vous devez signer les charges car elles vous ont été lues.
– Pourquoi êtes-vous en colère ? Je reviendrai devant vous accompagné de mes avocats, et vous me donnerez de nouveau tous ces documents. Pourquoi devrions nous nous dépêcher et faire des erreurs à cause de décisions et d’actions hâtives ?
– Non, nous ne prenons pas de décisions hâtives. Je ne fais qu’enquêter. Et nous devons conclure et sceller le procès-verbal.
– Non, je signerai quand mes avocats seront présents.
– Alors vous pouvez partir.
– Ce sera tout ?
– Oui.

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