IIIe sommet de l’Union africaine

Les chefs d’État réunis du 6 au 8 juillet à Addis-Abeba devront se prononcer sur la réforme de l’organisation. À moins que les crises du moment ne monopolisent les débats.

Publié le 5 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Le troisième sommet de l’Union africaine, qui s’ouvrira le 6 juillet à Addis-Abeba, sera-t-il celui de la maturité ? Oui, si l’on en croit le président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré, dont le volontarisme et l’activisme font plaisir à voir et qui présentera à cette occasion aux chefs d’État une ambitieuse « feuille de route » pour les quatre prochaines années. Dans ses grandes lignes, il ne fait guère de doute que ce « plan Konaré », censé mettre le continent sur les rails de l’intégration politique et économique, mais aussi transformer la « machine » UA en un outil performant sur le modèle de l’Union européenne, sera adopté. Les 53 pays membres n’ont en effet pas d’autre choix, nul n’a de projet alternatif à soumettre, et le seul véritable handicap de cette initiative – dont J.A.I. a révélé les détails dès le 20 juin – est son coût : un budget espéré de 600 millions de dollars par an, contre 40 millions actuellement.
S’il a bon espoir de lever une partie des fonds nécessaires à son ambition pour l’UA – à tout le moins, d’en obtenir la promesse – au cours de ce sommet, Konaré ne pourra pourtant pas éviter que les grandes crises africaines du moment soient également au menu des traditionnelles réunions plénières, restreintes ou informelles. Incontournables, le conflit du Darfour, qui mobilise une partie de l’administration américaine en période préélectorale, et celui des Grands Lacs au sein duquel l’ONU est directement impliquée, seront ainsi omniprésents à Addis. La Côte d’Ivoire aussi, puisque l’on prête à Kofi Annan, qui sera présent, la volonté de lancer une « initiative d’apaisement » débouchant à court terme sur un minisommet au Ghana entre les protagonistes (Gbagbo, Ouattara, Bédié, Soro), sous la double houlette des Nations unies et des chefs d’État de la région. Se poseront aussi quelques cas particuliers, tel celui de la Centrafrique, dont le président issu d’un coup d’État, François Bozizé, est considéré comme persona non grata par Konaré, qui a fait de son cas une question de principe. « Si Bozizé vient à Addis et entre en salle de conférences, je me lèverai et je m’en irai », confiait récemment le président de l’UA, « pas question de siéger aux côtés d’un chef d’État parvenu au pouvoir par des voies non démocratiques ». Et pas question non plus de céder aux pressions, qu’elles émanent des parrains régionaux du tombeur d’Ange-Félix Patassé ou de Kadhafi lui-même (dont Bozizé est allé, récemment, quérir l’intercession). Outre ces dossiers, dont on espère qu’ils ne cacheront pas la forêt des réformes structurelles contenues dans le programme Konaré, observateurs et délégués n’échapperont pas à l’habituelle activité de tout participant à un sommet panafricain : le petit jeu du « qui vient, qui ne vient pas, qui boude et qui hésite ». Pour des raisons diverses, qui tiennent parfois au climat ou à l’altitude d’Addis (2 500 mètres !), on sait déjà que Paul Biya, Zine el-Abidine Ben Ali, Mamadou Tandja, Maaouiya Ould Taya, Gnassingbé Eyadéma ou Lansana Conté ne viendront pas. Omar Bongo Ondimba, dit-on, est incertain. Tout comme – mais c’est un grand classique – Mouammar Kadhafi, qui souhaite, murmure-t-on dans l’entourage de Konaré, qu’on le prie…
Dans le passé, au vu de ces mascarades que furent parfois les sommets de la défunte OUA, les absents n’eurent pas toujours tort. Cette fois, pourtant, certains pourraient le regretter. Plus que jamais, en effet, une réflexion commune est nécessaire autour de thèmes parfois très politiques et qui engagent l’avenir des peuples : Quelle stratégie contre le sida ? Comment concilier progrès démocratique et lutte contre le terrorisme ? Comment faire en sorte que la force panafricaine d’intervention soit autre chose qu’une sous-traitance financée et encadrée par les puissances mondiales ? Comment sortir l’Afrique de sa marginalisation économique et déplacer le commerce interafricain du rayon des simples discours de circonstance ? Comment dépasser ces obstacles socioculturels élevés au rang de fétiches identitaires sacralisés, qui plombent, au même titre que l’iniquité du système international, le développement du continent ? Comment arrêter cette broyeuse huilée de cynisme et d’inconscience qui fait que, partout ou presque, la petite minorité des riches s’octroie la grande majorité du revenu national ? Toutes les réponses à ces questions, bien sûr, ne figurent pas dans le plan Konaré, encore moins les recettes magiques pour résoudre ces problèmes. Mais il y a là-dedans une volonté d’extirper l’Afrique de sa logique de victimisation, une obsession de la rendre à nouveau, un siècle après les débuts de la colonisation, actrice de son propre destin, qui méritent d’être accompagnées et soutenues. Seul, Alpha Oumar Konaré n’est rien d’autre qu’une vigie inutile au milieu d’un océan de cécité…

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