Haro sur les juges
Ambitionnant un troisième mandat, Yoweri Museveni est en conflit avec la Cour constitutionnelle.
Le centre de Kampala a tremblé le 29 juin, lorsque des centaines de manifestants se sont rassemblés sur la place de la Constitution, à quelques pas du Parlement. Tout un symbole : la Loi fondamentale est au coeur de vives tractations depuis que le président ougandais Yoweri Museveni a promis, sous la pression internationale, de faire quelque effort pour s’ouvrir au multipartisme.
Des jeunes et des femmes venus en boda-boda (motos-taxis) pour clamer leur soutien au président ont paralysé le centre de la ville pendant six heures. « Nous en avons marre des juges politiciens », « Les juges sont vendus, jetons-les », « Les paysans sont plus importants que les juges », pouvait-on lire sur les pancartes. Des slogans en écho aux déclarations faites le jour précédent, dans le conté de Mawokota, par le chef de l’État : « Nous ne laisserons personne s’en prendre aux réussites du Mouvement [le nom du régime de parti unique mis en place par Museveni après son arrivée au pouvoir en 1986, NDLR]. Les juges ne peuvent décider de politique. Leur travail est de résoudre les différends, comme les cas de vol de chèvres. » La cause d’une telle colère ? La décision par la Cour constitutionnelle d’invalider le référendum du 29 juin 2000 remporté par les adeptes du Mouvement sur les partisans du multipartisme. L’invalidation pour inconstitutionnalité et erreurs de procédure ne remet en question ni la légalité de la présidence de Museveni (réélu pour la seconde fois en mars 2001) ni celle du Parlement (élu en juin 2001), mais le gouvernement a d’ores et déjà fait appel de la décision auprès de la Cour suprême.
Si elle paraît au premier abord gênante pour Museveni, la crise peut en réalité lui servir. Dans la foule de ses partisans réunis à Kampala (après que, vraisemblablement, l’essence a été gratuitement fournie…), nombreux étaient ceux qui avaient revêtu l’essanja, accoutrement de feuilles de bananier séchées devenu le signe de ceux qui veulent le voir à la tête du pays pour un troisième mandat, alors que la Constitution actuelle n’en permet que deux. En organisant un nouveau référendum, qui seul peut ouvrir la voie au multipartisme, Museveni espère repousser d’autant les élections multipartites prévues en 2006.
Alors que le Parlement a autorisé les activités des partis politiques, les partisans du Mouvement sont quasiment sûrs d’emporter la victoire sur une opposition émiettée et réduite à la portion congrue. Un refus massif du multipartisme permettrait alors au « Bismarck des Grands Lacs » de s’appuyer sur la « volonté populaire » pour manipuler la Loi fondamentale à sa guise et instaurer une présidence à vie.
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