Essai réussi

Publié le 5 juillet 2004 Lecture : 2 minutes.

De temps à autre, une dépêche d’agence nous apprend que la Chine ou l’Inde ou le Pakistan ont procédé à l’essai d’un nouveau missile, d’une portée de x kilomètres et capable de transporter une charge utile de y kilos. La dernière phrase parle généralement d’essai réussi.
Moi, quand j’entends le mot réussite, je prends mon stylo et je commence à rédiger un message de félicitations. C’est un réflexe naturel et je suis sûr qu’il en va de même pour vous. Le cousin Ali entre en sixième : bravo ! La cousine Flana a passé le brevet des collèges : congratulations ! L’Iran envoie trois cent vingt kilos à deux cent cinquante-six kilomètres et demi : félicitations !
Mais depuis quelques mois, je suis devenu circonspect. Ça a commencé par un communiqué venu d’Islamabad, tombé tout chaud sur le téléscripteur de L’intelligent. « Le Pakistan a testé un missile d’une portée de deux mille kilomètres. Essai réussi. »
Réussi, c’est vite dit. Au bac, on a des correcteurs à l’écrit et des examinateurs à l’oral. Pour le permis de conduire, on passe un test, sous l’oeil vigilant d’un fonctionnaire. Le Pakistan a-t-il fait appel à un jury international, capable de certifier en toute indépendance que la trajectoire du boulet était parfaitement parabolique ? A-t-on vérifié qu’il n’y avait pas de retard à l’allumage ? Les scientifiques ont-ils copié les uns sur les autres ? Et combien de cobayes la bombe a-t-elle tués ? Si les Pakistanais ne sont pas fichus de tuer mille cochons d’Inde en un coup, comment pourront-ils exterminer dix mille cochons d’Indiens quand la vraie guerre éclatera ?
En 1967, la Syrie avait annoncé être sur le point de propulser une bombe de dix kilotonnes sur une distance de deux cent dix-sept kilomètres, soit la distance entre Damas et les toilettes de la résidence privée du Premier ministre israélien. Renseignements pris, il s’avéra que tout était parti d’une conversation entre un général syrien et un ferblantier dans le bazar. D’exagération en rêve éveillé, on n’était plus très loin du fameux « essai réussi ».
Bref, devant ce scandale, il est temps de nommer une « Commission internationale des essais réussis ». Les missiles iraniens, les roquettes coréennes, les sarbacanes de Dubaï, tout serait testé dans un coin du Sahara, entre Tindouf et Tombouctou. Et seule la Commission, au vu des résultats, aurait le droit de décerner les titres tant convoités d’« État-voyou » (1er prix), de « Menace pour ses voisins » (2e prix) ou de « Facteur de prolifération dans la région » (3e prix).

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