Blé Goudé : « Dépose les armes et reviens en famille »

Publié le 5 juillet 2004 Lecture : 3 minutes.

Cher ami,
Le 19 septembre 2002, notre pays a été attaqué par des hommes en armes qui ont endeuillé plusieurs familles.
Quelques jours plus tard, nous devions tous apprendre que cette attaque était ton oeuvre. Cela en a surpris plus d’un, mais la réalité est que, depuis octobre 2002, tu es le secrétaire général de ce mouvement armé qui a fait de toi le chouchou du gouvernement Chirac. Jusque-là tout allait comme tu le souhaites et plusieurs événements se sont produits, mais ceux de ces deux derniers jours ont particulièrement attiré mon attention. C’est pourquoi j’ai décidé de t’écrire. Loin d’être une réjouissance face à ce qui t’arrive en ce moment, ce message doit plutôt être l’invite d’un ami à t’ouvrir les yeux sur ce qui pourrait t’arriver de pire, si tu t’entêtes dans la voie que tu as choisie.
Cher ami, toi et moi avons toujours dénoncé l’impérialiste et ces pratiques d’opposer les Africains, de tuer leurs leaders, de morceler l’Afrique pour mieux l’exploiter. Malheureusement, c’est aujourd’hui toi le pion dont se sert la France pour affaiblir ton continent et le rendre ridicule aux yeux du reste du monde. Et ce qui s’est passé récemment à Korhogo et à Bouaké doit t’interpeller. Cela est le signe annonciateur qu’une partie de ce que tu appelles ton armée finira par t’abattre. Pas parce qu’elle le veut, mais parce qu’on le lui demande, comme on t’a demandé d’attaquer la Côte d’Ivoire, ta patrie. Tu accuses le Président Gbagbo, et pourtant tu sais très bien qu’il ne te veut pas de mal. La colère que tu subis en ce moment n’est pas la sienne, mais plutôt la loi du système dont tes nouveaux tuteurs sont les maîtres.
Cher ami, ils finiront par t’exposer, te livrer et t’éliminer. Ils ont utilisé Savimbi, ils l’ont livré, et Savimbi est mort. Ils ont utilisé Fodé Sankoh, ils l’ont livré, et Fodé Sankoh est mort. Ils ont utilisé Mobutu, ils l’ont livré, et Mobutu est mort. Ils ont utilisé Kabila, ils l’ont livré, et Kabila a été tué par un anonyme. Ils ont utilisé Charles Taylor, ils l’ont lâché, et Taylor vient d’être chassé comme un malpropre.
Cher ami, voici la liste, pas exhaustive, des victimes de tes nouveaux maîtres et je te sais assez rusé pour comprendre que tu n’échapperas pas à leur cynisme. C’est pourquoi, je t’invite à lire les signes du temps et à en tirer les leçons. Comme le peuple que tu prétends défendre continue de souffrir, tu dois finalement comprendre que le bonheur d’un peuple ne se trouve pas au bout du fusil. Alors, mon ami Bogota, sort de là en déposant les armes. Cela te grandira et fera déchanter ceux qui se servent de toi pour faire prévaloir leur position. C’est à ce prix, et seulement à ce prix, que ta génération te pardonnera. Cette génération à laquelle tu appartiens, mais à laquelle tu es pourtant étranger. Car, cher ami, tu joues dans une équipe qui n’est pas la tienne et ces gens qui te font aujourd’hui rêver finiront par te lâcher et avoir ta peau. Et moi j’aurai perdu un ami avec qui, pourtant, je pouvais sauver la Côte d’Ivoire.
Cher ami, comme la Bible l’indique : « Ne cherche jamais à humilier un chef, sinon tu subiras la foudre du très haut. » C’est pourquoi, je finirai par cet appel : « Dépose les armes et reviens en famille. » Au moins, je t’aurai parlé. Car tu le sais bien, le tribunal de l’Histoire est sans appel.

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