Un sommet pour rien

À Caracas, le 1er juin, Hugo Chávez n’est pas parvenu à rallier ses partenaires à ses positions « anti-impérialistes ».

Publié le 6 juin 2006 Lecture : 3 minutes.

« Compte tenu du prix actuel du baril, nous avons décidé de ne rien faire », a expliqué Abdullah Bin Hamed Al-Attiyah, le ministre qatari du Pétrole, à l’issue de la 141e conférence de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), le 1er juin, à Caracas. Hugo Chávez, le président vénézuélien (voir pp. 22-23), a donc dépensé en pure perte 5 millions de dollars pour accueillir luxueusement les « patrons » du pétrole mondial. Une somme record dans l’histoire de l’organisation.
Aucune de ses demandes n’a été acceptée, à commencer par la réduction du quota de production de l’Opep, fixé depuis juillet 2005 à 28 millions de barils/jour (hors Irak, seul pays autorisé à produire à sa guise). L’Iran a certes soutenu la requête chavézienne, mais les neuf autres pays membres ont estimé que la stabilité du marché mondial devait être préservée à l’approche de la saison estivale, traditionnellement marquée par une augmentation de la demande de carburant (tourisme). Président en exercice de l’Opep, le Nigérian Edmund Maduabebe Daukoru s’est borné à annoncer que la question pourrait être réexaminée, si le marché l’exige, lors d’une réunion extraordinaire. La prochaine réunion ordinaire doit avoir lieu le 11 septembre 2006, à Vienne.
Deuxième demande rejetée, la fixation d’un nouveau prix plancher pour le « panier » des différents pétroles Opep : 50 dollars le baril. Le prix de ce panier indexé sur plusieurs qualités de bruts est passé de 32 dollars en 2004 à 60 dollars en avril dernier (5 à 10 dollars de moins que ceux du Texas ou de la mer du Nord). Face à cette envolée, l’Opep a abandonné toute référence à un prix plancher, voire à une fourchette (autrefois comprise entre 18 et 24 dollars, puis entre 25 et 30 dollars). Les pays du Golfe, qui engrangeront plus de la moitié des recettes de l’Opep (300 milliards de dollars sur les 522 milliards prévus en 2006), s’y sont fermement opposés. Pour eux, pas question d’affoler un peu plus le marché en fixant un prix minimum et en jouant sur les quotas pour éviter qu’il ne tombe plus bas. De toute façon, la fixation du prix de référence échappe depuis vingt ans à l’Opep. Ce sont désormais les marchés qui fixent, minute par minute, à New York, Londres et Tokyo, le niveau des prix. Bien entendu, les marchés tiennent compte des indicateurs « fondamentaux » (offre et demande de brut et de produits raffinés, au comptant et à terme), mais aussi des variables climatiques (été chaud, hiver rigoureux, ouragan), politiques (guerres ou crises diverses, comme l’actuel bras de fer américano-iranien sur le nucléaire) ou sociales (grèves ou conflits ethniques dans certains pays importants, comme le Nigeria ou le Venezuela).
Troisième demande renvoyée à des jours meilleurs : l’élargissement de l’Opep. Le Venezuela a proposé la candidature de la Bolivie (en tant qu’observateur) et la réintégration de l’Équateur, qui a quitté l’organisation en 1992. Le Nigeria a suggéré, sans trop insister, celles de l’Angola (déjà observateur) et du Soudan. Toute adhésion devant être approuvée par les trois quarts des pays – les cinq fondateurs disposant d’un droit de veto -, la question n’a même pas été sérieusement examinée. S’agissant du Soudan et de l’Angola, leur éventuelle soumission aux quotas de production de l’Opep serait fort mal vue par les compagnies étrangères qui dominent leurs industries pétrolières respectives : nul doute qu’ils y regarderont à deux fois avant de solliciter officiellement leur admission au sein du cartel.
Les onze pays membres ont en effet une caractéristique commune : l’exploitation de leurs ressources pétrolières est dominée par une entreprise d’État. D’où l’ambition de Chávez de transformer l’Opep en une organisation « anticolonialiste et anti-impérialiste » qui maximise le prix de vente du pétrole et, surtout, la part des pays producteurs. Au nom, bien sûr, de la « libération des pays en voie de développement ».

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